Le patrimoine bâti de Kamouraska-L’Islet a toujours fait tourner les têtes, parfois pour son laisser-aller, plus souvent et heureusement pour sa qualité de préservation. Derrière les murs de ces magnifiques demeures qui jonchent les quatre coins de notre région se cachent des passionnés qui y ont investi tout leur temps, leur âme et surtout, beaucoup d’argent.
Hélène Bard a acheté la maison Miller avec Pierre Charron en 2015. La demeure bâtie en 1835 par Louis Miller lui faisait de l’œil depuis plus d’une trentaine d’années, et cela, même si elle était loin de briller de mille feux durant tout ce temps.
Au début des années 80, Hélène avait investi l’ancien palais de justice de Kamouraska juste en face, aujourd’hui connu sous le nom de Centre d’art de Kamouraska. Le plafond lui tombait sur la tête, non pas au sens littéraire, mais bien au sens figuré du terme, comme quoi les grands travaux ne lui font pas peur. Elle a donc permis la reconversion de l’endroit en lieu culturel où elle y a présenté durant quelques années des spectacles, des pièces de théâtre et des récitals de poésie.
Durant toutes ces années, la maison Miller, de l’autre côté de la rue, lui parlait. Les gens du village la surnommaient la « maison triste », mais elle ne la voyait pas sous cet angle. Sa fille aînée qui avait l’habitude d’aller y jouer avec des amies l’appelait la maison hantée, une idée qu‘Hélène, aujourd’hui grand-maman, ne se gêne pas pour reprendre. Les fantômes n’étant pas nécessairement tous mauvais, elle utilise celui de Louis Miller et de sa conjointe Demerise Chouinard, les seuls encore autorisés à fréquenter les lieux, dit-elle, pour raconter des histoires qui font rêvasser ses petits-enfants.
« Quand on a acheté en 2015, la maison était à l’abandon depuis plusieurs années. La cave regorgeait de piles de journaux qui auraient pu enflammer la maison à la moindre étincelle. Au fil des ans, elle avait été gâchée par des arches, du tapis et les différentes vocations qu’elle a eues. Mais même si la maison avait l’air triste, la qualité de la construction était telle qu’on n’a presque pas trouvé de pourriture quand on a fait les travaux », raconte-t-elle.
Ce chantier gigantesque a permis de refaire essentiellement l’intérieur dans le respect de ce que cette maison était à l’origine : celle d’un marchand prospère de Kamouraska dont le terrain allait de l’avenue Morel jusqu’aux berges du fleuve, où subsiste toujours le quai qui porte son nom. Cette période plus glorieuse dans l’histoire de la maison Miller est celle qui a le plus inspiré et qui inspire toujours l’art de vivre qu’Hélène Bard a tenté d’insuffler au lieu.
« On a été chanceux, de bons ouvriers qui avaient des connaissances dans le patrimoine bâti nous ont aidés. Daniel Pelletier qui a travaillé ici, c’est un “génie du croche”. Il est extrêmement habile, un fier autodidacte », s’exclame Hélène.
Ainsi, outre la couleur qui a pris possession de quelques murs et qui égaye davantage les lieux, le mobilier qui meuble les principales pièces de la maison, notamment le salon, est composé d’antiquités disposées de façon à inviter à la conversation ou à s’abandonner au plaisir d’un récital improvisé au piano. Pas surprenant d’ailleurs d’apprendre qu’avant la pandémie, l’hôte de la maison y tenait « l’heure du thé » de façon occasionnelle, « un trois à six de bonheur suspendu, de poésie, de musique et de bouchées épicuriennes », peut-on lire sur le carton d’invitation.
À l’extérieur, toute la peinture a été refaite l’an dernier. La toiture serait maintenant la prochaine étape, mais Hélène avoue être à bout de souffle financièrement. Pour cette raison, elle a récemment choisi de mettre sa résidence en vente. D’autres projets l’habitent.
« On n’a pas eu le choix de rendre la maison lucrative. Ne serait-ce qu’en taxes, c’est incroyable ce qu’on doit défrayer. Les prochains propriétaires auront le choix : en faire une bigénérationnelle ou continuer la vocation actuelle en résidence de tourisme. Mais pour moi, je suis heureuse avec un grand H d’avoir réalisé cette restauration. C’est valorisant et ça vaut la peine de préserver notre patrimoine », conclut-elle.