Les pieds dans l’eau, la tête dans le sable

C’est l’état d’urgence, les rivières débordent, des milliers de maisons sont inondées, plusieurs familles vivent une tragédie. Malheureusement, ce qui se produit était prévisible et se reproduira.

Guillaume Dufour

L’équation est simple. Nous avons construit des maisons et des quartiers dans les zones inondables des rivières. Cette année, une combinaison de plusieurs facteurs météorologique ont fait qu’il y a eu beaucoup d’eau et que cette eau est allée où elle doit aller : dans la zone inondable.

Zone inondable

La zone inondable est un milieu humide, une zone tampon entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. Elle agit comme une éponge absorbant le surplus d’eau au printemps et relâchant de l’eau l’été en période de sécheresse. C’est aussi des milieux à forte valeur écologique. Nous ne devrions tout simplement pas construire dans les zones inondables, même si l’attrait pour une belle maison avec accès et vue sur l’eau est fort.

Théoriquement, ces milieux sont protégés par la loi, mais avec bien peu de dent. Résultat, dans les centres urbains beaucoup ont été détruits et remplacés par des quartiers résidentiels. En plus de détruire des milieux humides, la construction en zone inondable nous enlève collectivement l’accès aux rives et au cours d’eau.

L’effet de vase

Pour pouvoir construire en zone inondable, il faut remblayer le secteur, c’est-à-dire le remplir de terre pour élever le terrain. Souvent, des digues sont construites pour éviter l’eau de pénétrer dans la zone au printemps. Voilà, ce n’est plus une zone inondable, le problème est réglé. Mais lorsque cette technique est appliquée à grande échelle, le problème est plutôt amplifié.

Disons que si la moitié des zones inondables sont détruites, lorsque nous avons une bonne crue, comme cette année, il y a moitié moins d’espace pour recevoir l’eau. L’eau ne pouvant plus courir à l’horizontale dans les zones inondables elle doit bien allez quelques part. Elle va donc monter par-dessus les digues et sur les remblais. C’est ce qu’on appelle l’effet de vase. Alors les inondations sont pires qu’elles le devraient. Les inondations qui normalement arrivent aux 50 ans, arrivent alors aux 25 ans, ou aux 20 ans.

Zone sinistrée

De plus, les travaux d’après sinistre vont coûter cher collectivement, car dans la plupart des cas les assurances ne couvrent pas ce genre de sinistre. C’est bien trop risqué. C’est alors le gouvernement qui paye la facture, du moins une bonne partie.

Selon les prévisions des scientifiques, avec les changements climatiques, on prévoit pour le Québec davantage de précipitations et une fréquence plus élevée d’événements météorologiques extrêmes. Bref, des inondations plus fréquentes et plus fortes à venir.

La solution est simple, se retirer de la zone inondable. Une fois inondée, il n’est plus possible de se mettre la tête dans le sable, car il y a bien trop d’eau.