L’estuaire du Saint-Laurent doit devenir une aire de protection marine

C’est l’automne, mais c’est l’été. Je suis échoué sur la grève, je contemple le merveilleux paysage devant moi, l’eau, les montagnes, quelques oies des neiges, un voilier qui passe, la spartine qui jaunit… Le soleil est fort, le vent est bon, les enfants sont en arrière cherchant des trésors parmi les débris laissés par les marées. C’est le bonheur…

Guillaume Dufour

Et oui, vous avez deviné, j’étais sur le bord du Saint-Laurent, ou plus précisément l’estuaire du Saint-Laurent. Un estuaire, c’est une zone de transition; la rencontre entre le milieu marin et celui d’eau douce, le passage du fleuve à la mer.

L’estuaire du Saint-Laurent, cet écosystème d’une grande richesse, est unique au monde. Les couchers de soleil sont parmi les plus beaux. L’anguille d’Amérique y circule encore, les bélugas et autres baleines attirent d’innombrables touristes, les îles regorgent d’oiseaux. C’est une voie navigable importante depuis plus de quatre cents ans et c’est juste à côté de chez vous.

Aire menacée?

Malheureusement, tout n’est pas rose pour notre magnifique Saint-Laurent. Plusieurs menaces pèsent sur lui : pollution de l’eau, exploitation et transport d’hydrocarbures, changements climatiques, déclin de plusieurs espèces et présence d’espèces envahissantes.

Aujourd’hui, je ne veux pas chialer, je veux rêver. Nous pourrions faire de cet estuaire un projet collectif de transition : de la détérioration à la préservation, du déclin des espèces à leur rétablissement, de l’abandon à la mise en valeur et de le rendre encore plus accessible. Bref, le protéger, le dorloter, se l’approprier.

La solution existe déjà, elle est connue et relativement simple. Nous devons mettre en place une aire de protection marine. C’est-à-dire une gestion de ce territoire ayant pour objectif la protection à long terme de cet écosystème et des espèces qui y vivent. Ceci permet également d’en faire un projet collectif de développement socio-économique. Il s’agit de mieux encadrer les activités qui s’y déroulent et d’empêcher celles qui menacent de le détruire.

Manque de volonté

Cette idée n’est pas nouvelle, toutefois, par manque de volonté politique, elle n’a pu se concrétiser. Pourtant, c’est dans les cartons de Pêches et Océans Canada depuis plus de dix ans et c’est une des actions prioritaires de la Stratégie maritime. Les organismes de protection de l’environnement travaillent très fort pour que le projet se concrétise, mais ce ne sont pas eux qui ont le pouvoir de le faire.

Justement, tout récemment, une annonce a été faite concernant une entente entre le gouvernement provincial et fédéral pour la mise en place d’aires protégées marines au Québec, mais très peu de détails ont été transmis.

Espoir

En espérant que cette entente mènera rapidement à la protection de l’estuaire du Saint-Laurent, c’est l’occasion d’affirmer régionalement, haut et fort, notre intérêt pour ce projet d’aire marine pour l’estuaire. C’est le moment idéal, il faut saisir l’occasion. Nous n’en tirerons que des bénéfices.

C’est complémentaire avec le projet de Maison du Kamouraska qui a été annoncé en juin dernier, avec le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent et avec la protection de l’habitat essentiel du béluga tel que prescrit par la Loi sur les espèces en péril. Ce sera un grand pas dans la bonne direction pour l’atteinte de l’engagement du Canada de protéger 10 % de son territoire marin d’ici 2020 (à ce jour, seulement un peu plus de 1 % est protégé). Qu’attendons-nous?

Tant qu’à rêver, nous pourrions également inscrire l’estuaire du Saint-Laurent sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, ce serait un peu comme notre tour Eiffel ou nos pyramides. Vous n’êtes pas encore convaincus? C’est que vous êtes dus pour une bonne promenade sur le bord du Saint-Laurent.