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L’estuaire du Saint-Laurent se réchauffe aussi

On observe depuis une dizaine d’années un haut taux de mortalité chez les femelles bélugas et leurs veaux. Photo : Réseau d’observation des mammifères marins

En plein cœur de l’estuaire moyen du Saint-Laurent, de L’Islet à Kamouraska, les effets des changements climatiques se font de plus en plus sentir. Selon le Portrait global 2024 sur l’état du fleuve Saint-Laurent préparé par le Plan d’action Saint-Laurent, une collaboration entre les gouvernements du Québec et du Canada, l’eau se réchauffe, s’appauvrit en oxygène et s’acidifie, menaçant la faune, les écosystèmes et les usages humains.

L’estuaire du Saint-Laurent est un vaste corridor d’eau qui relie le fleuve au golfe, et se divise en plusieurs zones. Notre région se situe à la jonction entre l’estuaire moyen et l’estuaire maritime. Le mélange d’eau douce et d’eau salée crée un écosystème diversifié d’une richesse exceptionnelle, mais aussi fragilisé et très sensible aux changements climatiques.

Si le Portrait global 2024 parle d’un « état intermédiaire » pour l’ensemble du fleuve, le rapport indique aussi que, dans l’estuaire maritime et le golfe, l’état des processus liés à la température de l’eau est jugé « mauvais ». Cette situation résulte en grande partie de la température particulièrement élevée des eaux profondes. Depuis 2015, les eaux profondes de l’estuaire maritime et du golfe atteignent des niveaux de température records, jamais observés depuis 1915. Les concentrations d’oxygène dissous sont historiquement basses, et l’acidification est plus rapide. « Ces changements perturbent la chimie de l’eau, et peuvent limiter la survie de nombreuses espèces », explique l’étude.

Ainsi, ce sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire comme le phytoplancton et le zooplancton qui sont bouleversés, affectant tout le reste. Des proliférations d’algues, parfois toxiques, surviennent plus fréquemment, affectant la qualité de l’eau et les usages récréatifs.

Les poissons ne sont pas épargnés. Selon l’étude, certaines populations comme le bar rayé montrent des signes de reprise grâce à des efforts de réintroduction, mais d’autres espèces, notamment celles dépendantes des eaux froides et bien oxygénées, sont vulnérables.

C’est sans parler du béluga de l’estuaire, pour qui la situation demeure critique. Sans que l’on sache pourquoi, la mortalité des femelles adultes et des nouveau-nés demeure élevée depuis plus d’une décennie. Si l’annonce commune des deux paliers de gouvernement en 2023 d’agrandir le parc marin Saguenay–Saint‑Laurent ne règlera pas la question du réchauffement des eaux du fleuve, elle contribuera à tout le moins à mieux protéger ce mammifère emblématique du Saint-Laurent.

Au-delà des chiffres de l’étude, c’est l’équilibre entier d’un milieu de vie unique qui est en jeu.