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L’intelligence artificielle s’invite dans la religion

Dans l’église Saint-Pierre à Lucerne, en Suisse, les fidèles peuvent « discuter » avec un Jésus virtuel. L’avatar est à gauche, et Jésus, tel que les fidèles le voient, est à droite. Photomontage : Le Placoteux

Bonne nouvelle, Jésus est de retour. Signe des temps, c’est un hologramme. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), il est maintenant possible d’échanger avec un Christ virtuel, et peut-être même, qui sait, percer le mystère de la foi. L’IA est maintenant partout, même dans la religion.

« Il existe une église en Suisse, Saint-Pierre à Lucerne, qui a mis en place un hologramme interactif baptisé Deus in machina [Dieu dans la machine], où les fidèles peuvent poser des questions et recevoir des réponses sur les Écritures. Mais ce n’est pas un prêtre qui répond, c’est une intelligence artificielle », explique Jean-François Morin, responsable des communications au Diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.

L’homme signe dans l’infolettre du diocèse du 6 février une édition spéciale consacrée entièrement à l’intelligence artificielle. Initiative nécessaire, considérant que les avancées technologiques transforment progressivement les pratiques religieuses, et que l’Église catholique elle-même n’échappe pas à cette révolution numérique.

Un outil au service de la foi?

« L’application de l’intelligence artificielle dans le contexte de l’Église catholique se manifeste à travers divers projets et initiatives qui visent à enrichir la vie spirituelle, à améliorer la communication, et à renforcer l’engagement communautaire », lit-on dans l’infolettre.

Ainsi, à travers le monde, plusieurs expérimentations sont en cours pour utiliser l’IA comme outil de diffusion du message chrétien. Outre l’hologramme suisse, une chapelle en Pologne a mis en place un assistant virtuel capable de répondre aux questions des croyants, tandis que le Vatican a développé une réplique numérique de la basilique Saint-Pierre, permettant aux visiteurs d’explorer virtuellement ses richesses architecturales et théologiques.

Toujours selon l’infolettre, « des applications basées sur l’IA sont développées pour aider à la catéchèse et à l’éducation religieuse. Par exemple, des chatbots [robots conversationnels] peuvent être utilisés pour répondre aux questions des fidèles sur la foi, les sacrements et les enseignements de l’Église. Ces outils permettent d’offrir un soutien accessible et instantané, en particulier pour les jeunes et ceux qui cherchent à approfondir leur compréhension de la foi. »

Loin de remplacer les prêtres, ces outils visent plutôt à démocratiser l’accès aux connaissances religieuses. « Il y a un réel intérêt à utiliser l’IA pour faciliter la diffusion du message de l’Église, reconnaît M. Morin. Mais cela soulève aussi des enjeux éthiques et théologiques. »

Les limites d’une spiritualité automatisée

Si l’IA peut offrir un accès plus rapide aux enseignements religieux, elle présente aussi des risques. « Les intelligences artificielles ont parfois des hallucinations, c’est-à-dire qu’elles inventent des informations, souligne M. Morin. Imaginez qu’un fidèle demande une citation biblique, et que l’IA lui en fournisse une qui n’existe pas… Cela peut vite poser problème. » De fait, l’IA a cette méchante habitude d’inventer des informations, mais qu’elle écrit si bien qu’elles semblent exactes. Une chatte y perdrait ses petits.

L’infolettre met en garde contre ce phénomène, précisant que « l’IA soulève des enjeux majeurs, notamment en matière de confidentialité, de biais de raisonnement, ou même l’invention pure et simple de fausse information. »

Un autre enjeu est celui de la relation humaine. La foi repose sur une transmission vivante, incarnée par des prêtres et des croyants. Peut-on vraiment développer une spiritualité en interagissant avec un hologramme?

L’Église catholique en est bien consciente, et dans une récente note intitulée Antiqua et nova, elle rappelle l’importance de l’intelligence humaine dans l’usage des technologies. L’IA doit rester un outil au service de l’homme, et ne pas se substituer au discernement moral et spirituel. L’infolettre cite ce document, qui insiste sur le fait que « l’intelligence artificielle doit être guidée par l’intelligence humaine. Cela signifie que les décisions critiques ne doivent pas être laissées à des algorithmes, mais doivent impliquer un discernement éthique et moral. »

Reste à savoir jusqu’où cette révolution technologique transformera les pratiques religieuses. Pour l’instant, Jésus en hologramme répond aux questions des fidèles… mais peut-être pas encore aux prières.

Jean-François Morin. Photo : Courtoisie