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Madame Miracle : la cordonnière de Saint-Alexandre

Dans son atelier, Monique Gagnon est comme une magicienne qui redonne vie à peu de frais à des objets endommagés. Ici, avec Louise Lavoie dont elle a sauvé les bottes neuves. Photo : Marc Larouche

« Je suis allée garder hier chez mon garçon. Je me lève ce matin, et le chien a mangé la fourrure de mes bottes neuves de 300 $. » Louise Lavoie était tout énervée lorsqu’elle est entrée dans la cordonnerie MG de Saint-Alexandre. Rapidement, Monique Gagnon l’a rassurée.

— La connaissiez-vous? « Pas du tout! C’est souvent comme ça. Les gens m’abordent de manière très personnelle. » C’est peut-être parce qu’ils savent que des gens comme Monique Gagnon sont de plus en plus rares. Madame Miracle est cordonnière.

« Rien n’est impossible », dit-elle en souriant derrière son comptoir, entourée de machines robustes, d’outils bien rodés, et d’une multitude de petites pièces savamment classées. Cette passionnée de cuir et de réparation est un peu magicienne, beaucoup débrouillarde, et surtout entièrement dévouée à trouver des solutions. Pourtant, son métier, aujourd’hui presque disparu, ne semble pas trouver de relève.

De fil en aiguille

Monique n’est pas tombée dans le cuir par hasard. « J’ai grandi à Rivière-du-Loup, où je bricolais des pièces de cuir pour mes proches, et je faisais aussi de l’artisanat, raconte-t-elle. De fil en aiguille, je faisais des réparations pour mes cousins, mes oncles et mes tantes. » Les rencontres avec des cordonniers de la région lui ont permis d’affiner ses techniques. « Monsieur Pelletier m’a donné quelques trucs. J’apprenais sur le tas, comme on dit. »

Il y a 15 ans, elle s’est installée à Saint-Alexandre, et a continué la cordonnerie, héritant même d’une vieille machine à coudre du cordonnier Chouinard. « Je faisais de l’artisanat, mais coudre des sacs à la main, ça devenait long! Alors, je me suis dit : pourquoi ne pas reprendre cette machine, et me lancer pour de bon? »

Des solutions sur mesure

Monique ne dit jamais non. « Les gens arrivent avec des objets cassés, parfois étranges, et je suis toujours en mode solution », explique-t-elle. Chaussures, manteaux, sacs de hockey, selles de chevaux : tout passe entre ses mains. « Il faut que ce soit solide, durable et abordable. Les gens ne veulent pas payer une réparation plus cher qu’un produit neuf! »

Dans son atelier, elle a même bricolé une sangle accrochée au plafond pour tenir les lourdes selles pendant qu’elle les coud. « Avant, je les tenais d’une main et je cousais de l’autre. Une vraie gymnastique! Maintenant, c’est beaucoup moins fatigant. »

Son esprit d’invention ne s’arrête pas là. « J’ai conçu des musettes pour chevaux, bien plus solides que celles du commerce. Les modèles en coton se déchirent facilement. Les miens, ils tiennent le coup ! Les chevaux peuvent manger leur moulée sans que tout s’écroule. »

Des anecdotes et des défis

Parmi les objets insolites qu’on lui a confiés, Monique se souvient d’un blouson de moto dévoré par des souris. « J’ai refait tout le col en cuir. Ça m’a pris des heures, mais le propriétaire était ravi. » Elle a même confectionné un harnachement pour un cheval miniature. « Ce n’est pas tous les jours qu’on fait ça! »

Et pourtant, derrière ces anecdotes amusantes, Monique avoue que le métier est exigeant. « C’est physique, surtout quand je travaille sur des selles westerns. Il faut les soutenir tout en les cousant. Mais je m’adapte. » Toujours, elle s’adapte. N’est-ce pas comme cela qu’on fait des miracles?

Quant à Louise Lavoie, ses bottes seront redevenues comme neuves, pour moins de 10 $. Personne n’y verra rien, et le chien de son garçon n’aura qu’à bien se tenir!

La magie du lien

Quand on entre chez Monique, on est accueilli comme un ami de longue date. « C’est important de bien traiter ses clients. Si tu n’as pas une bonne réputation, oublie ça! » Entre deux éclats de rire, elle partage sa passion, toujours prête à raconter une histoire.

Dans un monde où tout se jette, Monique Gagnon incarne l’art de réparer et de donner une deuxième vie aux objets. Une cordonnière, une inventrice, mais surtout une femme au grand cœur. Et tant qu’elle tiendra son atelier ouvert, Saint-Alexandre pourra compter sur ses miracles. Elle continue de s’y amuser, toujours alerte et à l’écoute des besoins de ses clients.

« Quand quelqu’un arrive avec un problème, ça me stimule. Trouver la solution, c’est ma petite victoire quotidienne », dit-elle en souriant. Son enthousiasme contagieux et son ingéniosité font d’elle une référence dans la région. Et sa réputation la précède.

« Il y a toujours quelqu’un pour me référer. Louise, par exemple, est certainement venue pour ses bottes parce que quelqu’un m’a référée. » Dans une petite communauté comme Saint-Alexandre, le bouche-à-oreille est précieux, et Monique le sait bien. « Les gens parlent, et c’est comme ça que je garde mon atelier vivant. »

Malgré un métier qui se fait rare, Monique Gagnon reste une figure incontournable. Pour elle, chaque journée est une nouvelle occasion de relever des défis, toujours avec le même sourire et la même passion.

Monique Gagnon a accroché une sangle au plafond qui soutient une lourde selle pendant qu’elle la coud. Photo : Marc Larouche