La seule épicerie de village à Saint-Denis-De La Bouteillerie fermait ses portes récemment, laissant derrière de fidèles clients chagrinés. La rentabilité, rarement atteinte ces dernières années, a eu raison de l’entreprise, comme tant d’autres épiceries de village similaires.
Manon Falardeau est propriétaire du Marché de la Bouteillerie depuis 11 ans. Auparavant, un autre propriétaire a opéré l’établissement pendant une quarantaine d’années. En mettant la clé dans la porte, elle est bien consciente qu’elle prend une décision impopulaire, même si ses fidèles clients comprennent la situation. Mais elle n’a pas d’autres choix. «La rentabilité n’est pas au rendez-vous et les institutions financières sont de plus en plus frileuses à prêter pour ce genre de commerces. Elles demandent souvent que les propriétaires cautionnent eux-mêmes le prêt», expliquait-elle.
Elle a bien tenté de vendre au cours des cinq dernières années, mais les quelques acheteurs intéressés n’ont pas obtenu le financement nécessaire. Elle a même travaillé un projet de coopérative qui a finalement avorté. «Le temps et l’énergie que j’ai investis là-dedans m’ont épuisé physiquement et psychologiquement. C’est tout cela que j’ai pesé dans la balance au moment où j’ai pris la décision de fermer», d’ajouter la propriétaire.
David vs Goliath
Les difficultés rencontrées par le Marché de la Bouteillerie n’étaient pas différentes de celles vécues par les propriétaires d’entreprises similaires dans la région. «Sur le littoral, ce n’est pas facile. L’été, les saisonniers amènent un bon roulement, mais c’est quatre mois dans l’année. Le reste du temps, on mange nos bas, parce qu’il n’y a pas assez de clients, mais on doit continuer à offrir le service quand même», de mentionner Manon Falardeau.
Outre la démographie à la baisse, l’attrait des magasins à grande surface reste le principal ennemi des petites épiceries de village, selon la propriétaire. Au fil du temps, elle a bien tenté de sensibiliser les gens à sa cause, avec la complicité du maire de la municipalité, Jean Dallaire, mais sans succès. «Costco, Walmart et les autres, on ne peut pas rivaliser avec ça. C’est pourquoi les gens doivent comprendre que les petits commerces de proximité sont importants, qu’ils ne vivent pas de subventions, mais qu’ils font souvent vivre toute une famille», d’ajouter Manon Falardeau, qui employait plusieurs membres de sa famille au sein de son entreprise.
Considéré par plusieurs comme le cœur du village à Saint-Denis, le Marché de la Bouteillerie offrait un service de casse-croûte dans un bâtiment voisin en saison estivale, d’épicerie-dépanneur, d’essence et de quincaillerie. Plus d’une dizaine d’employés y travaillaient au plus fort de la saison et plus d’une quinzaine de jeunes de Saint-Denis y ont fait leurs premiers pas sur le marché du travail ces dernières années. L’entreprise a fermé ses portes définitivement le 7 janvier dernier.
Réaction de la municipalité
Le maire de Saint-Denis-De La Bouteillerie, Jean Dallaire, n’a pas caché être au fait de la situation depuis quelques semaines. S’il déplore la fermeture de l’établissement, il dit quand même comprendre la situation de la propriétaire. «Maintenir des services de proximité, c’est le défi de toutes les petites municipalités», déclarait-il. Il nous confirmait également que des rencontres impliquant la municipalité, le comité de développement de Saint-Denis, la SADC et le service de développement économique de la MRC ont été tenues récemment afin d’étudier les possibilités d’une coopérative ou d’un nouvel acquéreur, ce qui permettrait une relance de l’entreprise le plus rapidement possible.