Maxi et Óra, un pas de plus dans la dépossession des régions

Provigo de Saint-Pascal. Photo : Maxime Paradis

Plusieurs épiceries Provigo, dont celle de Saint-Pascal, vont être remplacées par des Maxi d’ici l’été prochain. « C’est Maxi ou rien, à Saint-Pascal », m’a dit une employée. Ça peut sembler banal, du pareil au même, mais à y regarder de plus près, c’est un pas de plus dans la dépossession des communautés régionales.

On est habitués, en région, à se faire amputer : nos dépanneurs, nos postes à essence, nos bureaux de poste, nos écoles, nos petites fermes, nos caisses, nos guichets automatiques, nos curés, nos églises, nos services municipaux, nos magasins, nos restaurants, nos CLSC… et maintenant, nos épiceries! Les épiceries Provigo étaient gérées par des propriétaires locaux, et donc plus ouvertes aux besoins de la communauté et aux producteurs régionaux. Les Maxi sont tous gérés par la maison-mère Loblaw à Brampton, en Ontario. Ce sont des succursales.

De plus, Maxi, ce sont des épiceries de bas de gamme, axées sur les produits de commodité, les aubaines, les formats économiques, les stocks déclassés. Pendant qu’on nous refile un Maxi à Saint-Pascal, on ouvre des Provigo-Plus à l’Île-des-Sœurs et dans l’ouest de Montréal. Maxi, c’est pour le petit peuple qui n’a pas d’argent et qui cherche les aubaines. C’est le big et le pas de classe, comme ses publicités méprisantes avec « l’humoriste mendiant » Martin Matte. C’est une marche plus bas vers la malbouffe, le gros format.

En même temps, j’apprenais que la laiterie artisanale Óra de Rivière-du-Loup se voyait forcée de fermer ses portes en raison de l’impossibilité de rentabiliser une laiterie de proximité sur une ferme autosuffisante. Pour une fois qu’on avait du lait qui goûtait le lait et n’était pas vidé de toute vie. Et d’autres laiteries semblables sont en difficulté ailleurs au Québec, de même que des petites fromageries. La grosse industrie agricole de volume va finir par toutes les étouffer, comme beaucoup de nos vaillants petits maraîchers locaux.

Pendant ce temps, Olymel, après avoir dévoré tous ses concurrents, se renfloue à même les assurances agricoles publiques; la gestion de l’offre dans le lait encaisse des compensations par centaines de millions pour les concessions faites à l’exportation dans les ententes de libre-échange; le plan conjoint de mise en marché du lait, géré par les syndicats de l’UPA, revend à la laiterie Óra, ou Lampron, ou aux petites fromageries fermières, leur propre lait à un prix prohibitif, et leur fait payer, en plus, les frais de mise en marché, malgré que le lait qu’elles transforment ne sorte même pas de leur ferme. En d’autres mots, tout pour empêcher le développement d’une agriculture et d’une alimentation de proximité, produite chez nous, pour nous, et par les nôtres. L’argent public va aux fermes à 1000 vaches et aux porcheries à 10 000 porcs.

L’UPA et le ministre Lamontagne aiment bien se vanter de favoriser le développement d’une agriculture de proximité, d’une autosuffisance alimentaire, mais ils ne lui réservent que les miettes. Ils se servent en région, mais nous n’avons droit qu’aux miettes. Ils assistent sans broncher à l’épuisement et à la disparition de centaines d’initiatives agroalimentaires communautaires, faute d’une reconnaissance appropriée, et faute de leur donner accès aux outils nécessaires à leur survie.

Ces dernières années, la plupart des régions ont cessé de perdre de leur population; elles en regagnent même un peu, à l’exception de la Côte-Nord. Mais la qualité de vie et de prise en charge communautaire qui en est le moteur ne cesse de se faire torpiller par les impératifs capitalistes des grandes entreprises, et la soumission aveugle de nos politiciens à leurs exigences.

Les partis politiques veulent reconquérir les régions, même Québec solidaire. Mais ils ont du chemin à faire s’ils veulent simplement faire cesser la dépossession et le sabotage dont elles font l’objet.