Ottawa 2014 : François Lapointe se souvient

L’ex-député François Lapointe a vécu de près l’attentat de 2014 à Ottawa. Photo : José Soucy

Plus de 10 ans après l’attentat terroriste du 22 octobre 2014 au parlement d’Ottawa, l’ex-député fédéral de la circonscription de Montmagny–L’Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup François Lapointe se souvient très bien de cet événement, lui qui était au parlement lors de cette journée fatidique. Ce jour-là, Michael Zehaf-Bibeau, 32 ans, équipé d’une carabine et d’un couteau, s’est rendu au Monument commémoratif de guerre canadien, où il a tué un soldat de garde. Zehaf-Bibeau est ensuite entré dans l’hôtel du Parlement, où il a été abattu par des agents de sécurité.

Réunis en caucus dans une salle de l’opposition officielle située juste en face de celle du parti au pouvoir, où se trouvaient les députés conservateurs, François Lapointe et la majorité de ses collègues sont fortement alarmés par le bruit des coups de feu, si proches qu’ils deviennent rapidement inquiets.

« Certains de mes collègues, au début, pensaient qu’il s’agissait de bruits reliés à des travaux de construction, mais d’autres députés de régions rurales et moi, on a vite compris qu’il s’agissait de coups de feu de carabine. J’ai eu comme réaction de renverser une table de chêne sur le côté, afin qu’on puisse minimalement se protéger si jamais le ou les terroristes devaient entrer dans la salle », déclare l’ex-député au Placoteux.

Pendant que les députés néodémocrates étaient entassés dans un coin, cachés derrière des tables, un gardien de sécurité, sans arme, restait calme et tenait ses deux mains sur la porte, puisque celle-ci ne se barrait pas. « C’est une image que je n’oublierai jamais », confie François Lapointe en admettant toujours vouer un grand respect au travail exécuté par l’agent.

« Nous avons même entendu l’impact d’une balle perdue dans les portes retenues par le gardien de sécurité. Heureusement que la porte était solide! La première demi-heure de la fusillade a donc été particulièrement difficile. On entendait des douzaines de coups de feu sans savoir qui tirait sur qui, ni combien il y avait de terroristes impliqués de l’autre côté des murs. Ce n’est que plus tard qu’on a appris qu’il s’agissait d’un loup solitaire. Il ne faut pas oublier non plus que les gens qui nous ont protégés ce jour-là, ce sont des gens qu’on connaissait, que l’on côtoyait tous les jours. On ne savait pas non plus si la porte de la salle de réunion des conservateurs avait été fermée à temps. Nous étions tous très inquiets de la manière dont le tout allait se terminer, si plusieurs personnes allaient être tuées ou blessées », ajoute-t-il.

Après un certain délai, la sécurité a fait déplacer les députés en marche rapide, dans des souterrains, pour atteindre une autre salle où ils se sont installés encore pendant plusieurs heures sous une large table de conférence. Puisqu’il s’agissait d’une salle fenestrée, donnant sur la cour intérieure du Parlement, les députés ont fermé tous les rideaux. « On voyait des membres du SWAT à l’extérieur, et la rumeur était qu’il y avait un autre tireur habillé en noir. On envoyait des textos à nos proches, on entendait alors des ordres de temps à autre. Il y avait des get down. Il fallait donc encore se mettre en dessous de la table et garder les rideaux fermés », précise M. Lapointe.

Une fois la menace principale passée, les députés se sont retrouvés dans une sécurité dite relative pour encore quelques heures. « Lorsque je suis revenu à ma chambre d’hôtel, tard cette journée-là, j’ai à peine eu le temps d’enlever mon pantalon avant de rapidement tomber endormi comme une brique. On a tellement fonctionné sur l’adrénaline, ce n’est que le lendemain que je me suis rendu compte que j’avais une large ecchymose sous le bras, provoquée par la table que j’avais renversée. »

François Lapointe gardera toujours en tête le courage dont a fait preuve son chef durant ces interminables moments, et sera éternellement redevable aux membres du personnel de sécurité du Parlement.

« Je vais toujours me rappeler de cette journée, surtout du calme de notre chef Thomas Mulcair dans cette situation. Il est resté avec ses collègues, même s’il avait eu la possibilité d’être escorté en dehors du Parlement. Par ailleurs, le lendemain, plusieurs députés sont allés voir l’agent de sécurité qui a tenu la porte fermée pour lui donner une accolade, et le remercier chaleureusement de son courage exemplaire, puis on a tous participé à un moment de recueillement pour le caporal Nathan Cirillo qui avait été cruellement assassiné par le terroriste un peu avant la fusillade au Parlement, pendant qu’il montait la garde d’honneur devant la Tombe du soldat inconnu », conclut l’ex-député.