Propriétaire d’une ferme laitière biologique pendant une trentaine d’années à Saint-Roch-des-Aulnaies, Christian Joncas est aujourd’hui retraité, mais pas moins occupé. Depuis l’an dernier, il est bénévole formateur pour le Réseau Agro-Innov, un programme de coopération volontaire mené par l’UPA qui l’a amené en Haïti, et plus récemment, au Sénégal en Afrique de l’Ouest.
Lorsque Christian Joncas s’est engagé dans ce programme, c’était pour partager son savoir-faire agricole ailleurs dans le monde avec des gens d’autres cultures que la sienne. Un défi à la fois stimulant et dépaysant.
« Tu débarques dans un pays que tu ne connais pas, où l’agriculture est pratiquée d’une façon très différente de la nôtre. Tu ne peux pas agir comme si tu détiens la science infuse. Nous sommes des agriculteurs qui partent à la rencontre d’autres agriculteurs, il ne faut jamais l’oublier », déclare-t-il.
« Tu débarques dans un pays que tu ne connais pas, où l’agriculture est pratiquée d’une façon très différente de la nôtre. Tu ne peux pas agir comme si tu détiens la science infuse. Nous sommes des agriculteurs qui partent à la rencontre d’autres agriculteurs, il ne faut jamais l’oublier. » – Christian Joncas
Accompagné d’une finissante en médecine vétérinaire, Christian Joncas s’est envolé récemment pour le Sénégal. Il avait trois semaines pour régler un problème de diarrhée qui revient annuellement durant la saison hivernale chez les vaches laitières. Le Sénégal connaissant deux saisons très marquées, la saison sèche (été) et la saison des pluies (hiver), les animaux sont donc soumis à un régime sec puis à un régime plus humide sans qu’il ait une période d’adaptation alimentaire qui permette à leur système digestif de s’y habituer.
« C’est une problématique qu’on connaît aussi chez nous, mais à laquelle on s’est adapté en maintenant une alimentation de type hivernal à l’année avec des fibres longues, pour que la transition entre les saisons soit moins difficile », de résumer Christian Joncas.
Choc culturel
Durant ces trois semaines, Christian Joncas et sa collègue ont donné des formations à des animateurs-agriculteurs provenant d’une quarantaine de regroupements d’agriculteurs différents. Ce sont eux qui doivent s’occuper de propager l’information auprès de leur réseau respectif. « On s’est compris tout de suite et ils étaient très intéressés à savoir d’où on tenait nos connaissances », confie-t-il.
Toutefois, il avoue s’être fait mentionner qu’il ne doit pas s’attendre à ce qu’il y ait d’énormes changements en un an. « Ils ont été intéressés par ce qu’on leur a expliqué et ils vont tenter de le mettre en application le plus possible, mais naturellement, ils ont tendance à être méfiants vis-à-vis le partage de connaissances entre agriculteurs. Ça fait partie de leur culture », d’indiquer Christian Joncas.
À titre d’exemple, il raconte qu’un agriculteur en formation n’a jamais voulu lui communiquer combien il y avait de vaches à la disposition de ses taureaux dans le cadre de son programme de fertilité. « J’ai dû m’y prendre autrement pour le savoir. Mais c’est correct, il faut s’adapter à leur réalité », ajoute-t-il.
Il souligne également avoir été surpris de constater la grosseur des troupeaux de certaines fermes laitières du Sénégal, mais dont chaque animal produit que 2 L de lait par jour. « Si l’alimentation était meilleure, ils pourraient avoir moins de vaches qui produiraient 10 L par jour. Mais pour eux, ce n’est pas la productivité des vaches qui comptent, mais la grosseur du troupeau qui vient avec un meilleur statut social », d’expliquer l’agriculteur.
Bref, malgré toutes ces différences culturelles, Christian Joncas estime avoir bien compris les Sénégalais qu’il a rencontrés, même si c’était un défi de s’adapter à leur culture. « Si je revenais 50 ans en arrière, mon père travaillait lui aussi avec des chevaux et des charrettes. Des vaches qui avaient des problèmes de diarrhées parce qu’il n’y avait pas de transition alimentaire, il y en avait aussi. Aujourd’hui, les choses ont changé et c’est devenu de l’acquis pour nous. Les Sénégalais ne sont pas moins intelligents que nous. Dans 50 ans, ils seront ailleurs eux aussi », conclut-il.