Sur les traces de Dominique Lalande

Elle a dû jongler avec un déficit qui a entraîné un important redressement financier chez Ruralys, organisation dont elle est la directrice générale. En parallèle, avec l’équipe d’archéologues qu’elle dirigeait, elle a contribué à une des plus importantes découvertes archéologiques de l’histoire du Québec. Parce qu’elle a non seulement marqué l’actualité, mais qu’elle est certainement passée par toute la gamme des émotions sur le plan professionnel, Le Placoteux désigne Dominique Lalande personnalité de l’année 2018 de Kamouraska-L’Islet.

Elle n’a jamais été poursuivie par des personnages malveillants, ni même été témoin de situations surnaturelles. Néanmoins, Dominique Lalande se qualifie un peu d’Indiana Jones, le célèbre archéologue interprété au cinéma par Harrison Ford.

Née au Japon, elle a passé une partie de sa vie en Afrique. À l’image du personnage de George Lucas, elle se rappelle avoir beaucoup voyagé étant jeune. « Mon père était secrétaire d’ambassade. » Inévitablement, cet élément a teinté son parcours professionnel, selon elle.

Au Québec, Dominique Lalande a complété un baccalauréat en histoire et un certificat en anthropologie avant d’entamer une maîtrise en archéologie historique. Une fois terminée, elle s’est lancée dans un doctorat en archéologie historique qu’elle n’a finalement pas complété. Comme Indiana Jones, Dominique Lalande s’est rendue compte rapidement qu’elle n’était pas faite pour une carrière universitaire. « J’ai toujours été une fille de terrain et je dirais que les circonstances de la vie m’ont amenée là également », a-t-elle confié.

Après les études, Dominique Lalande a participé à des fouilles archéologiques en Syrie où elle a fait la découverte d’une tombe vieille de 5000 ans. « Il y avait des vases et de l’or là-dedans. C’était quelque chose », a-t-elle décrit. Par la suite, Dominique Lalande semble s’être éloignée du parcours international à l’Indiana Jones pour en venir à tracer sa propre voie, chez elle, au Québec.

Sur la Côte-Nord, elle a passé quelque temps aux Bergeronnes où elle a fait la découverte de fours basques qui ont permis de mieux documenter les débuts de la pêche à la baleine. « Les gens pensent souvent, à tort, qu’il n’y a pas grand-chose pour les archéologues en Amérique du Nord, mais ce n’est pas vrai. On a quand même des vestiges d’il y a 10 000 ans qui témoignent de l’occupation amérindienne sur notre territoire et qui sont très signifiants pour notre histoire », a-t-elle déclaré.

 

Le rempart palissadé de Beaucours, lors de sa découverte.

Elle reconnaît tout de même que les périodes de chômage ne sont pas rares dans le domaine, mais que cela ne l’insécurisait pas outre mesure non plus. D’un côté, si son métier ne lui apportait pas toujours une abondance de travail, il lui a enseigné à être combative et persévérante, ce qui a contribué à forger son caractère et à développer sa confiance en elle. « Quand t’es une femme, en archéologie, tu dois faire tes preuves davantage. Surtout sur les chantiers de construction, où c’est essentiellement des hommes qui travaillent. Quand tu débarques et que tu dois arrêter des travaux parce que des vestiges ou des artéfacts ont été trouvés, tu dois faire ta place rapidement et bien expliquer le sérieux de ta démarche, parce que les gens ne comprennent pas toujours bien le travail qu’on fait », résume-t-elle.

Les années Ruralys

En 2003, le quotidien professionnel de Dominique Lalande s’est en quelque sorte « stabilisé », lorsqu’elle est devenue directrice générale de Ruralys. Depuis 15 ans, elle met donc de l’avant les compétences en gestion et en développement régional qu’elle a acquises au fil de différentes fonctions qu’elle a occupées en entreprises privées, dans les universités, dans des organismes ou même au ministère de la Culture.

En ce qui concerne l’archéologie, elle met son expertise au profit de Ruralys. Ce qui lui a permis de faire des découvertes de vestiges et d’artéfacts importants dans la région, dont une trentaine de sépultures à Rivière-Ouelle en 2006-2007, en plus des fondations de la première église et du deuxième et troisième presbytère, sans oublier les fondations de la deuxième et de la troisième église de Sainte-Anne à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, retrouvées en bordure de la route 132 en septembre dernier. « Je crois que Ruralys a beaucoup contribué à éveiller les consciences au Kamouraska en matière d’histoire, de patrimoine et de paysages », d’indiquer Dominique Lalande.

« On en a parlé partout. Notre expertise était déjà reconnue, mais comme la découverte a eu un gros impact politique, on était sur la “map” plus que jamais. C’est une fierté de voir l’expertise de notre région reconnue ailleurs, mais c’est aussi un baume sur les moments difficiles que Ruralys a rencontré dans la dernière année. » – Dominique Lalande

Nul n’étant prophète en son pays, c’est plutôt dans le Vieux-Québec que Ruralys a fait la plus importante découverte de son histoire, l’automne dernier. En compagnie de cinq autres archéologues qu’elle dirigeait, Dominique Lalande a mis à jour 20 mètres du rempart palissadé de Beaucours, dont l’état de conservation était remarquable. Situé à proximité des plaines d’Abraham et de l’actuelle Citadelle, ce vestige érigé en 1693-1694 par 500 hommes de troupe est considéré comme une des premières fortifications de l’histoire de la ville de Québec. La découverte a été telle qu’une conférence de presse a été tenue le 6 novembre en compagnie du premier ministre François Legault, de la ministre de la Culture et des Communications Nathalie Roy et du maire de Québec Régis Labeaume.

Selon Dominique Lalande, la découverte a eu un écho en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. « On en a parlé partout. Notre expertise était déjà reconnue, mais comme la découverte a eu un gros impact politique, on était sur la “map” plus que jamais. C’est une fierté de voir l’expertise de notre région reconnue ailleurs, mais c’est aussi un baume sur les moments difficiles que Ruralys a rencontré dans la dernière année », a-t-elle reconnu.

Après cette montagne russe d’émotions vécues en 2018, Dominique Lalande avoue être optimiste pour 2019. Il faudra encore du temps pour redresser la situation financière de Ruralys, mais elle croit que le conseil d’administration et elle sont sur la bonne voie. « Nous sommes proactifs. On est en planification stratégique et tout est sur la table. C’est très positif comme exercice. Quand on est aussi bas, on peut juste remonter la pente. » L’image est forte, mais qui de mieux placée qu’une archéologue cumulant 31 ans d’expérience pour communiquer une sagesse similaire!