Placotons… Le père Noël en hélicoptère

Êtes-vous déjà tombé sur cette décoration extérieure où on peut apercevoir un gros père Noël soufflé qui pilote un hélicoptère? En cette époque où toutes les traditions sont condamnées par le tribunal populaire de la sacro-sainte rectitude politique, je me suis demandé un instant si l’histoire du père Noël n’avait pas été changée sans que je le sache pour y éjecter les rennes qui, en tirant un traîneau, ne répondent clairement plus aux standards du bien-être animal que commande notre époque.

Mais non, rassurez-vous, l’histoire du père Noël est toujours la même. Qui oserait faire voyager le vieil homme dans un moyen transport si polluant en 2019, alors qu’il n’y a pas une minute qui passe sans qu’on nous rappelle que les changements climatiques que nous contribuons à accélérer ne vont pas bientôt mener à notre extinction? Quand on y pense, l’histoire originale avec les rennes est plutôt écoresponsable, même si certains préféreraient que les bêtes broutent plutôt librement dans la toundra scandinave, au lieu d’être à la solde du père Noël, cet apôtre de la surconsommation moderne que nous laissons conditionner nos enfants à ses vertus dès la première occasion. « How dare you », comme dirait Greta Thunberg!

Pensez-y, à l’approche de 2020, conserver intacte l’histoire du père Noël n’est rien d’autre qu’un crime contre l’humanité. Une modernisation s’impose avant qu’une armée d’écologistes n’organise un « sit-in » à l’entrée du Centre La Pocatière, réclamant la fin pure et simple de cette tradition patriarcale dépassée. Est-ce vraiment le type de traumatisme que nous voulons imposer à nos enfants? L’ancienne « mecque » du magasinage de Kamouraska-L’Islet qui voit les locaux vides s’accumuler mérite-t-elle vraiment une occupation hostile qui pourrait la précipiter vers la fermeture? Bref, quelques petits changements mineurs à l’histoire du père Noël et tout le monde ne s’en portera que mieux.

Dès le 26 décembre, l’atelier du père Noël sera fermé définitivement. Avec un peu de chances, on réussira sûrement à attirer quelques lutins dans la région pour palier à la pénurie de main-d’œuvre dans nos entreprises. Rassurez-vous, ces emplois ne seront pas délocalisés en Chine, car le père Noël s’approvisionnera désormais en cadeau dans les friperies de la région. Le Centre d’aubaines Lions de La Pocatière croule déjà sous les surplus de marchandises.

Tous ces beaux trésors qu’on ne voulait plus seront emballés à partir de circulaires recyclées, question de nous sensibiliser à notre surconsommation hebdomadaire et d’alimenter l’économie circulaire du Kamouraska. Ainsi, plus personne ne jugera bon d’abolir les publisacs, car leurs contenus seront entièrement réutilisés. Le tout pourrait même être fait en sous-traitance dans les Ateliers Mon-Choix de Saint-Pascal et renvoyé au Pôle Nord par la suite. Nos documents confidentiels déchiquetés ne feraient-ils pas de beaux rubans?

Maintenant seuls et isolés, mère Nöel et père Noël, qu’on appellera désormais tous deux ère Nöel afin de respecter leur nouvelle identité non-genrée, n’auront plus la pression de nourrir autant de bouches avec le départ permanent des lutins. Ils pourront se tourner vers l’agriculture bio intensive locale en cultivant des laitues à la verticale dans le système que leur aura vendu Inno-3B de Saint-Pacôme. Ce nouveau régime végane permettra à père Noël, pardon, ère-Noël-qui-livre-les-cadeaux — il faut bien les distinguer — de perdre définitivement sa bedaine, permettant ainsi une plus grande représentation de la diversité corporelle chez ceux qui le personnifient.

Et pour la distribution des présents, il faudra désormais se rendre par nous-mêmes au pôle Nord les chercher, mais idéalement en transport collectif – une occasion d’affaire ici pour Bombardier? – question de limiter notre empreinte écologique. C’est d’ailleurs pour cette raison et pour le bien-être animal des rennes qu’ère-Noël-qui-livre-les-cadeaux ne se déplacera plus. Le voyage promet d’être long, c’est sûr, et un peu frisquet. Gageons donc que très peu parmi nous feront le choix de s’y rendre et qu’on reprendra plutôt le chemin de nos magasins locaux, stimulant ainsi l’économie régionale. Peu importe, au moins on aura désormais une histoire du père Noël socialement acceptable à raconter selon les critères d’aujourd’hui, plein de problèmes de réglés sans trop avoir à changer nos habitudes et, en prime, un nouvel écocentre pour nos cochonneries qu’on ne veut plus, quelque part dans l’Arctique. Qui a dit qu’il fallait être cohérent dans tout? Tant qu’on a l’air, même si on faussait de temps en temps…

Joyeuses fêtes… malgré tout!