Tous les automnes depuis cinq ans, Gilles Baron, Mario Belcourt, Luc Gilbert, Michel Gosselin et Raymond Massé laissent leurs femmes à la maison et prennent ensemble le large. Ce qui les rassemble ? La photographie. Ce qui les appelle ? Une maîtresse commune : le Kamouraska.
Cette quête photographique dans la région que plusieurs appellent toujours le « doux pays » a quelque chose d’un rendez-vous de « boys club ». « On ne le dit pas trop fort », chuchote pratiquement Michel Gosselin, conscient aujourd’hui de la connotation péjorative du terme.
Ce rendez-vous annuel qui s’échelonne sur plus d’une semaine n’a pourtant rien d’une ode à la masculinité toxique. Et comme Michel et ses amis sont tous retraités, l’exclusivité de leur cercle n’a rien à voir avec l’entretien de quelconques privilèges professionnels.
« Nous sommes tous membres d’un club de photographie dans notre coin de pays respectif », poursuit Michel, témoignant ainsi de la passion qui unit ses amis et lui. Et ils en pincent tous pour le Kamouraska, cela va s’en dire, alors pourquoi leur en vouloir ?
Toujours est-il que cette virée annuelle dans la région d’entrée du Bas-Saint-Laurent a quelque chose d’un rituel qu’on associe parfois aux « boys club » ou aux « fraternités étudiantes », même si elle ne fait de mal à personne. Chaque année, le quintette attend que la folie touristique de l’été soit terminée. Et quand la lumière commence tranquillement à changer, gracieuseté de l’automne qui brille de mille feux, et que le fleuve adoucit tranquillement cette transition entre l’été et l’hiver, ils se pointent le bout du nez.
Au lieu de partir pour la chasse à l’original, comme le feraient plusieurs hommes de leur âge au même moment, Gilles, Mario, Luc, Michel et Raymond vont à la chasse aux clichés du Kamouraska. Leur camp de chasse est toujours le même, une maison au décor tout droit sorti des années 50 sur l’avenue Morel à Kamouraska, à deux minutes à pied des quais. « Je dirais que la maison est tout aussi photogénique que les paysages de la région », déclare Michel.
De cette maison, ils explorent le littoral, de La Pocatière à Saint-André, parfois même jusqu’à Rivière-du-Loup. Saint-Denis-De La Bouteillerie et ses roches en bordure de l’eau leur plaisent beaucoup. « C’est sûr que les couchers de soleil ont de quoi faire rêver au Kamouraska, mais les levers de soleil, qu’on peut observer dans les champs, à travers la nature et les granges, n’ont rien à envier non plus. »
La luminosité kamouraskoise à ce moment de l’année est d’ailleurs ce qui dicte l’horaire de contemplation des photographes. Tous les matins ils se lèvent à 5 h avec un plan de match bien précis, établis souvent la veille autour d’un bon verre de scotch et un peu d’anguille fumée, un mariage qu’ils ont découvert et dont les cinq raffolent depuis.
Du lever du soleil à la mi-journée, ils sillonnent berges et rangs pour capter ce qui leur parle. Ils reviennent ensuite pour le dîner et laissent passer l’effervescence de l’après-midi. Ils ressortent plus tard pour ne rien manquer du coucher de soleil.
Cinq visions
Les clichés cumulés au fil de ces escapades sont si nombreux que les cinq photographes ont décidé d’en publier le fruit dans un livre photo intitulé Cinq visions du Kamouraska. Les photos retenues ne respectent pas nécessairement de thème précis, de reconnaître bien humblement Michel Gosselin, qui a assumé l’assemblage de l’œuvre.
Imprimé en quantité très limitée, Cinq visions du Kamouraskaest disponible depuis le 18 janvier dernier au fr.blurb.ca. Le livre contient même quelques photos hivernales, comme quoi il y a eu entorse au rituel durant ces cinq années. Et comme une entorse en amène souvent une autre, Michel et ses amis envisagent un séjour de deux semaines au Kamouraska la prochaine fois. Gageons que le matériel pour un tome 2 ne manquera pas.