J’avais de la difficulté à contenir ma joie cette semaine quand j’ai appris que six municipalités du Kamouraska et la ville de Montmagny avaient décidé de dépoussiérer le concept des ciné-parcs. La Ville de Québec avait déjà annoncé il y a plus d’un mois qu’elle voulait faire revivre l’activité sur son territoire, mais j’avoue que je n’aurais jamais cru que cette annonce allait provoquer un élan de nostalgie au point de ramener l’activité si près de chez nous.
Aussi plaisante était la sortie au ciné-parc, tout dans son concept nous rappelle qu’il appartient à une époque aujourd’hui révolue. Ne serait-ce que le nom, au départ, une pure invention québécoise, il n’y aucun doute là-dessus, nous rappelle la décennie où ils sont nés chez nous, les années 70, période où un vent de francisation soufflait sur l’affichage au Québec.
L’utilisation de la voiture qui fait office de salle de projection nous ramène aussi à cette période où l’automobile était encore plus au cœur de nos vies qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les ciné-parcs ont été propulsés, chez nos voisins du sud, dans cette décennie d’après-guerre où les motels et les services au volant des chaînes de restauration rapide se sont démocratisés d’un bout à l’autre du pays.
Et que dire de l’usage de la bande FM pour la diffusion du son, qui n’est pas sans rappeler l’âge d’or de la radio commerciale. Dans la région de Québec, d’où je suis originaire, des stations de radio de la ville étaient associées avec les ciné-parcs afin d’y diffuser leur contenu musical et publicitaire de soirée sur les fréquences utilisées pour la projection des films. Ainsi, lorsque la musique arrêtait soudainement, on savait que la projection n’allait pas tarder.
D’innombrables souvenirs
Comme si la modernisation du concept n’était pas possible, dès la fin des années 90, les ciné-parcs sont devenus des vestiges d’un autre temps. Un à la suite de l’autre, ils ont fermé, laissant ceux qui les ont fréquentés avec d’innombrables souvenirs de temps de qualité passé en famille, entre amis, ou de films légendaires qui encore aujourd’hui nous semblent meilleurs simplement parce que nous les avons regardés pour la première fois dans un ciné-parc près de chez nous.
Chez moi, la sortie au ciné-parc arrivait une ou deux fois par été. Ma sœur et moi en étions souvent les instigateurs. Si le soleil était moindrement présent à notre réveil, on commençait dès le déjeuner à talonner mon père pour qu’il nous y amène. Ma mère était plus souvent complice qu’autre chose.
Il faut aussi dire que pour une famille de la classe moyenne de l’époque, le ciné-parc était probablement l’activité la plus accessible qu’il soit. Le tarif donnait accès à des jeux pour enfants sur le site et une programmation de deux films. Le premier était toujours celui qui attirait les cinéphiles. Avec un peu de chances, le second était souvent une belle surprise. Je me rappelle encore avoir vu Vrai mensonge en programme double avec Clanches ! Je devais avoir 10 ans à l’époque, et 26 ans plus tard, ma passion pour Sandra Bullock n’a jamais faibli…
Il y aussi eu Le garde du corps avec Kevin Costner et Whitney Houston. Cette fois-là, c’est ma mère qui voulait désespérément voir le film. Depuis des mois qu’elle écoutait la bande sonore en cassette, dans la voiture comme à la maison. I Will Always Love You a joué encore longtemps dans nos oreilles par la suite, je vous le jure.
Mais ce qui me revient surtout en tête, lorsque je me rappelle ce film, c’est la fameuse scène où la sœur de Rachel (Whitney Houston) se fait tuer au chalet du père de Frank (Kevin Costner). Le film était projeté sur l’écran opposé au coucher de soleil du Ciné-parc Beauport. Comme il ne faisait pas encore suffisamment noir et que la scène se déroulait dans un sombre total, je me souviens avoir très mal vu toute l’action qui se déroulait sous mes yeux.
C’est bien anecdotique, me direz-vous, mais l’exemple traduit pourtant fort bien le contexte de visionnement « imparfait » du ciné-parc : des projections qui débutent alors qu’il y a souvent encore un peu de clarté ; un deuxième film projeté toujours trop tard ; un écran qui se regarde difficilement à partir de la banquette arrière du véhicule ; la symphonie impatiente des klaxons provenant de l’écran voisin où la projection n’est toujours pas débutée et qui mine la vôtre qui elle est entamée…
Heureusement, le plaisir qu’on tire de l’expérience ciné-parc compense largement pour ses légères imperfections. Et en ces temps de COVID, où les rassemblements et les sorties culturelles demeurent encore limités, regarder un bon film avec une chaufferette qui fonctionne par intermittence pour désembuer le pare-brise sera toujours plus agréable que d’avoir de la brume dans ses lunettes à cause du port d’un couvre-visage sur une trop longue période de temps. Mais de grâce, à votre arrivée, ne poursuivez pas inutilement le confinement de votre ami et sortez-le au plus vite du coffre de la voiture !