Placotons : Un couvre-feu symbolique

La 4e Avenue Painchaud en soirée. Photo : Maxime Paradis.

Le couvre-feu en vigueur depuis samedi n’a rien de vraiment impressionnant, avouons-le. S’il est assurément historique, sa valeur est plus symbolique qu’autre chose. Surtout dans notre région.

Les rues désertes de Montréal et de Québec frappent beaucoup plus l’imaginaire que les avenues vides de La Pocatière ou le boulevard Hébert de Saint-Pascal.

Soyons honnête, Kamouraska-L’Islet n’a jamais brillé par son « nightlife » débridé, encore moins par soir de grand froid en plein milieu de janvier! Et depuis la COVID, à l’exception peut-être de la saison touristique estivale, à Kamouraska et Saint-Jean-Port-Joli essentiellement, ou même à La Baleine endiablée durant l’automne, il y a déjà un moment que les nuits sont longues comme à Winnipeg par ici à cause des confinements successifs.

Donc en quoi ce couvre-feu vient-il nous brimer au point d’en faire tout un plat? Notre sacra sainte « libârté » une fois de plus atteinte certains diront, mais cette fois-ci déguisée en un épisode du « masque 2.0. » Respirons par le nez, le masque bien dessus de préférence.

Outre une rage soudaine de chips à 20 h 30 qui nous est désormais impossible d’assouvir pour les quatre prochaines semaines en débarquant à l’épicerie en culotte de pyjama, il n’y a rien de bien offusquant avec ce couvre-feu. Seul le visionnement en rafale de votre dernière série préférée sur Netflix risque d’être plus fade, et ça, ce n’est pas toujours la faute du manque de grignotines dans le garde-manger…

S’encabaner

Si le confinement est le verrou sur la porte qui doit nous garder chez nous depuis des mois afin de limiter nos déplacements et nos rassemblements, le couvre-feu et ses amendes salés aux contrevenants ne sont que la clé qui s’assure que nous sommes bien encabanés.

Sauf peut-être quelques exceptions, s’encabaner n’a rien de nouveau pour la grande majorité des Québécois à ce temps-ci de l’année. La plupart du temps, l’homo-québécus pratique l’encabanement de façon volontaire. La présence de la télévision n’a fait qu’accentuer ce processus quelque part entre survie et hibernation.

Souvenez-vous les années Star Académie : les restaurateurs étaient nombreux à confier que les dimanches soirs étaient étrangement tranquilles quand l’émission ralliait quelques 3 millions de téléspectateurs par semaine. Ceux qui osaient sortir pressaient les serveurs de les faire manger et payer avant 19 h 30, question de ne rien manquer du gala dominical.

Une nouvelle cuvée doit justement reprendre du service dès le 14 février, une semaine après la fin du couvre-feu. On verra bien à ce moment si les promenades de fin de soirée impromptues avec pitou sont soudainement redevenues si vitales.

Mesures inhabituelles

Là où ce couvre-feu fait mal, c’est qu’il s’ajoute à une série d’autres mesures inhabituellement coercitives pour une société démocratique comme la nôtre. Au final, ce n’est pas l’envie de sortir dans la rue à 20 h qui est maintenant plus forte, mais l’interdiction de le faire qui rend la chose soudainement plus excitante et extraordinaire. Ça se comprend. Après des mois de confinement et un sentiment répandu de privations quotidiennes – on est pourtant loin d’être au tiers-monde —, même les choses les plus banales prennent désormais une importance démesurée.