Pour la première fois dans l’histoire du Québec — et du monde —, les « vieux » — 60 ans et plus — dépassent en nombre les jeunes — 0-20 ans. On fait moins d’enfants et les gens vivent plus vieux.
C’est une véritable révolution. On le sait, les « révolutions tranquilles » sont généralement l’effet d’un boom de natalité. On le voit présentement avec l’explosion de jeunes dans les communautés autochtones. Les sociétés plus vieilles ont tendance à être plus conservatrices et moins ouvertes aux changements. Les sociétés jeunes disposent d’une main-d’œuvre dynamique et créative tandis que les sociétés vieilles, comme on le constate, manquent de main-d’œuvre partout et ne survivent que par l’immigration.
Après avoir connu une formidable explosion de jeunesse et de changement dans les années soixante, qu’on a appelé « La Révolution tranquille », le Québec voit aujourd’hui sa survie comme nation distincte menacée par le vieillissement de sa population.
Il va nous falloir repenser l’organisation de nos vies et de notre société en fonction de cette nouvelle réalité. D’abord, apprendre à voir autrement la vieillesse, moins comme un retrait de la société à partir de 65 et même 60 ans — ce qui veut dire une retraite de 25 ans — et davantage comme une autre étape de la vie à inventer. Nous sommes la première génération qui doit inventer une autre façon de vieillir, une vieillesse active. Finie l’idée qu’on se retire à 60 ans : une nouvelle vie commence, plus libre, plus lente, mais non moins créative et utile. Les aînés sont porteurs de mémoire, de patrimoine humain et naturel, de vision et de sens.
Pour permettre aux personnes âgées de rester actives dans la société, il va falloir adapter notre organisation du travail, nos systèmes d’assurances, de pensions et d’impôt, nos complexes résidentiels, et apprendre à considérer partout les personnes âgées comme des personnes actives, mais autrement.
Les jeunes étant moins nombreux, eux aussi ont changé. Ils ont été élevés comme des rois à la maison, à la garderie, à l’école, et comme ils sont courtisés, ils imposent souvent leurs attentes sans s’inquiéter outre mesure de leurs aînés. Une véritable rupture de mémoire est en train de se produire entre les jeunes et leurs aînés, et celle-ci va au-delà du conflit normal de générations. Les jeunes vont devoir apprendre à côtoyer et respecter leurs aînés d’autant plus que leur rôle est appelé à grandir. D’ailleurs, la jeune génération a développé des liens particuliers avec les grands-parents.
Quant à la population active — 20 à 60 ans —, qui formera autour de 50 % de la population, elle sera de plus en plus sollicitée. Le cadre familial et conjugal en subit déjà les conséquences. L’immigration sera de plus en plus appelée à compenser la charge sociale de la population active, non sans apporter aussi ses tensions culturelles et sociales.
Comme on le voit, ces changements dans la composition de la population exigeront une adaptation de nos services à l’enfance, de notre système d’éducation, de l’organisation du travail des adultes, des services à la famille, des systèmes de retraite et soutien aux personnes âgées, et particulièrement, du système de santé, qui sera de plus en plus sollicité par les plus âgés.
Inventer une nouvelle façon de vieillir, c’est aussi rétablir le lien entre les jeunes, les adultes et les aînés. C’est redécouvrir le temps humain, le cycle de la vie, de l’action et de la mémoire.