Ils ont vécu le déni, l’incompréhension et le sentiment d’injustice qui accompagne chaque diagnostic de cancer. Oui, ils ont pleuré. Pour au moins deux ou trois existences en un peu plus d’un mois, selon eux. Mais ils ont aussi rigolé, parce qu’il le faut bien, parce que la vie continue et parce qu’ils sont tout simplement comme ça, ensemble.
Jeunes parents dans la trentaine, Alexandre Bibeau et Julie-Christine Helas de Mont-Carmel ont dû faire une place au cancer l’automne dernier. Cet indésirable s’est installé dans le corps d’Alexandre sous la forme d’une leucémie aiguë promyélocytaire, sans trop demander son avis. S’il avait eu le choix, comme n’importe qui, il s’en serait passé. Sa petite dernière, Charlotte, n’avait même pas encore un an à l’époque. Son plus vieux, Mathéo, à peine trois ans. Question « timing », il y a mieux, même si jamais reste le meilleur. « La période de flottement entre le moment où tu passes une batterie de tests et celui où le diagnostic tombe, c’est ça le pire », raconte-t-il.
Parce qu’une fois qu’il a connu son diagnostic et que le médecin lui a dit que le taux de survie était de 90 %, Alexandre avoue qu’il a pu commencer à envisager l’avenir avec positivisme. Même chose pour Julie-Christine. « Tu passes de : “Est-ce que je vais finir veuve avec deux jeunes enfants et retourner en Belgique (NDLR : Julie-Christine est d’origine belge)”, à “OK, on s’organise comment jusqu’à ce qu’il revienne” », résume-t-elle.
La première phase du traitement qu’Alexandre a dû subir, c’est à Rimouski qu’il l’a reçue, durant 48 jours d’affilés, dont 46 passés en isolement complet. Il avait une bien belle vue sur le Fleuve, certes, et sur l’île Saint-Barnabé, dont il dit aujourd’hui connaître les contours par cœur. Malgré tout, de son petit un et demi, comme il l’appelle, Alexandre a manqué le 1eranniversaire de sa Charlotte et combien d’autres bonheurs quotidiens dont on ne soupçonne même pas tout le bien qu’ils nous apportent avant d’en être privés pour un bon moment.
Être positifs
S’ils reconnaissent que les deux premières semaines ont été particulièrement difficiles, Alexandre et Julie ont choisi le sourire et la bonne humeur plutôt que l’apitoiement. Instinct de survie ou pilote automatique? « Pilote automatique », ont-ils répondu à l’unisson.
En toute transparence, ils ont choisi de vivre cette épreuve à la lumière du jour, informant leur entourage de la situation qu’ils traversaient. Entre ses traitements, Alexandre dessinait même des graphiques sur son ordinateur portable à partir des résultats sanguins que le personnel hospitalier lui communiquait. « On est bombardé d’information par les médecins et ça fait toujours beaucoup à assimiler à la fois. Je voulais comprendre au maximum ma maladie », explique-t-il.
Durant tout ce temps, son énergie positive était si contagieuse, selon Julie-Christine, que le personnel infirmier prenait même ses pauses avec lui, ne serait-ce que pour jaser de chasse. « J’étais en train de manquer ma saison », de se rappeler Alexandre, qui avait tout de même plus important à faire : se battre. « Moi je livrais un combat, et Julie, elle, en gérait un », ajoute-t-il.
Retour à la maison
Après près de 50 jours d’hospitalisation continue, Alexandre a entendu le mot tant attendu : rémission. Aussitôt, il a appelé Julie-Christine qui n’a pas tardé à sauter dans sa voiture, ne se laissant pas freiner par les prévisions météo qui annonçaient une tempête hivernale qui aurait bien pu les garder coincés quelque part sur la route entre Rimouski et Mont-Carmel. « On est revenu dans notre beau Kamouraska à temps », enchaîne-t-elle.
Tranquillement, la petite famille a repris temporairement un semblant de vie normale, même si elle savait que la pause était de courte durée. Une semaine plus tard, Alexandre devait recommencer un deuxième cycle de traitements. Heureusement, depuis quelques mois, ceux-ci se déroulent près de chez lui, à l’hôpital de La Pocatière, à raison de cinq jours par semaine. Lorsqu’il a raconté son histoire aux participants du Relais pour la vie, samedi dernier, Alexandre avait 120 traitements de chimiothérapie à base d’arsenic et de vitamine A de reçus, sur un total de 125. Vendredi, il recevra son dernier.
Avenir
Quand tout sera terminé, Alexandre et Julie-Christine croient qu’ils envisageront l’avenir différemment. Déjà, ils sentent que leur quotidien a changé, qu’ils ne consacrent plus d’énergie à ce qui n’en vaut plus la peine. « On relativise beaucoup de choses. Quotidiennement, on dit merci dans le vide, à je-ne-sais-pas-quoi. On est reconnaissants », de confier Alexandre.
Comme tous ceux qui se retrouvent à devoir jongler avec le cancer dans leur vie, ils savent aujourd’hui que rien n’est acquis et que tout se résume à l’instant présent. « Tu sais, la grande bouteille de vin qu’on attend toujours la grande occasion pour la boire? Il n’y en aura plus. Maintenant, on va la boire là! Pourquoi on s’en empêcherait? »