Retard à l’Immigration : Une Réunionnaise à un cheveu de devoir rentrer chez elle

Audrey Callières. Photo : Maxime Paradis.

Une Réunionnaise finissante en Techniques d’éducation spécialisée au Cégep de La Pocatière fait actuellement les frais des retards dénoncés dans le traitement des dossiers chez Immigration Canada. Si elle n’obtient pas incessamment son permis de travail post-diplôme, elle devra retourner chez elle à l’île de la Réunion, faute de revenus pour poursuivre son attente au Canada.

Audrey Callières ne veut pas rentrer chez elle. Arrivée au Bas-Saint-Laurent en 2017, elle s’est enracinée dans la région en développant des amitiés avec des gens de la région, et surtout, en entamant une relation amoureuse avec jeune homme avec qui elle réside désormais à Rivière-du-Loup.

Pendant qu’elle étudiait au Cégep de La Pocatière, elle combinait un stage à l’Association kamouraskoise en santé mentale La Traversée en plus de travailler à temps partiel comme intervenante au Quartier Jeunesse de Saint-Pascal. Depuis l’été dernier, tout ça a pris fin, car Audrey a eu le malheur de terminer sa technique en août plutôt qu’en mai.

« Il me restait un cours en ligne à faire, alors j’ai reçu mon relevé de notes seulement au courant de l’automne », mentionne Audrey.

Ce précieux relevé de notes, il est indispensable à une demande de permis post-diplôme précise la finissante. Comme elle l’a reçu dans les semaines qui ont suivi la fin de son cours en ligne, elle n’a pas été en mesure d’entamer ses démarches avant que son permis d’études ne prenne fin.

Prévoyante, Audrey avait néanmoins pris la peine de faire une demande de visa de visiteur dès qu’elle a complété son DEC. Autant pour ce visa que son permis post-diplôme, elle attend depuis le traitement de son dossier par Immigration Canada.

En attendant, elle n’a plus la légitimité de travailler sur le territoire canadien, ce qui oblige ses parents à subvenir à ses besoins. Ils l’ont toutefois avisé que d’ici la fin mars ils ne seront plus en mesure de payer pour qu’elle puisse demeurer au Canada, l’obligeant ainsi à rentrer chez elle, ce qu’elle redoute.

« Sur le site d’Immigration Canada, c’est indiqué qu’on a bien reçu mes documents, mais je n’ai pas de nouvelles. Quand j’ai appelé, on m’a répondu que les délais habituels pouvaient être prolongés à cause de la COVID-19 et que mon dossier n’était pas prioritaire, car je ne travaille pas dans les services jugés essentiels. L’attente est longue et c’est difficile émotionnellement », a déclaré la jeune femme.

Bernard Généreux interpellé

Audrey Callières a récemment contacté l’équipe de Bernard Généreux afin qu’elle puisse l’aider à faire accélérer l’une ou l’autre de ses demandes. Le député fédéral dénonçait récemment les retards accumulés ces derniers mois dans le traitement des demandes de parrainage de conjoints et de permis de travail. L’exemple d’Audrey Callières est pour lui l’exemple patent de « l’incurie du système ». Il a même parlé spécifiquement de son cas au ministre fédéral de l’Immigration Marco Mendicino, a-t-il assuré.

« Audrey avait des délais qu’elle ne pouvait respecter parce qu’elle a obtenu ses résultats scolaires après la fin de son permis d’études. Au lieu de faire preuve de compréhension, on la traite aujourd’hui comme si elle devait retourner chez elle, alors que sa situation pourrait se régler de façon toute simple », a indiqué M. Généreux.

Le député de Montmagny—L’Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup a mentionné que les problématiques en matière d’immigration représentent environ 50 % de tous les dossiers aujourd’hui traités par son équipe de travail. Même s’il est d’avis que les individus ont la responsabilité de s’assurer d’un suivi diligent de leur situation auprès d’Immigration Canada, il rappelle que les retards actuellement dénoncés étaient déjà bien présents avant le début de la pandémie.

Déception

Serge Binet, coordonnateur au Quartier Jeunesse de Saint-Pascal, est celui qui a informé Le Placoteux de la situation vécue par Audrey Callières. Il s’est dit déçu qu’elle fasse aujourd’hui les frais « du système », dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre spécialisée.

« On dit qu’on veut que les immigrants sortent des grands centres pour aller travailler en région. Audrey, elle est déjà ici et intégrée, en plus d’avoir un emploi qui l’attend (NDLR : il est prêt à la réembaucher). Quoi demander de plus ? »

Audrey avoue qu’elle retournerait volontiers travailler au Quartier Jeunesse. Elle serait même prête à changer si cela n’était pas possible, les offres dans son domaine étant légion dans la région.

« Quand j’ai fait le choix de venir étudier au Québec, c’était pour y rester après, car chez moi, mon diplôme ne sera pas reconnu et il y a moins d’opportunités. Rentrer au pays demain matin, ce n’est pas seulement renoncer à la vie que j’ai bâtie ici, mais c’est aussi recommencer à zéro dans un autre domaine. Faire une croix sur mes trois dernières années d’études, ça, j’avoue, ça serait le summum de la déception. »