Les grandes marées causées par les vents du nord n’ont causé aucun dommage à Saint-André-de-Kamouraska. Le village est protégé par les aboiteaux, une digue de sept kilomètres en excellente condition, et qui est efficace comme outil de prévention des inondations. Malgré cela, pour le ministère de l’Environnement, ils n’existent pas!
« Hé! non. Malgré leur efficacité évidente, ils n’existent pas », commente le maire Gervais Darisse, qui explique le tout par une guerre de politiciens qui n’en finit pas de finir, et qui prend ses origines en 1979. « C’était au plus fort de la chicane entre le ministre de l’Environnement Marcel Léger, et Jean Garon, ministre de l’Agriculture. Ce dernier avait instauré le programme de réfection des aboiteaux, et souhaitait établir la limite entre les domaines privé et public. Donc, au nord le fleuve, et au sud le privé », dit-il, ajoutant que les parties n’ont jamais réussi à s’entendre, avec comme résultat que pour le ministère de l’Environnement, les aboiteaux n’existent pas. « Lorsqu’on désire discuter de protection du village, on part de loin. »
Le principe des aboiteaux a été importé d’ouvrages similaires érigés en France et au Nouveau-Brunswick. « J’ai des photos de 1910. C’est très bien fait. Ce n’était pas mis en valeur comme aujourd’hui, alors que l’endroit est devenu un sentier pédestre très fréquenté, avec entre autres le secteur du petit phare », précise l’homme qui voit aux destinées de la municipalité depuis 14 ans, et dit toujours travailler avec le ministère des Affaires municipales dans ce dossier. « Les discussions avancent bien. Que les gens se rassurent, ils n’ont pas l’intention de raser le village qui se trouve en zone inondable. »
Trois études
En 2021, Québec a octroyé 300 000 $ à la MRC de Kamouraska pour faire des études sur la solidité des aboiteaux, et sur leur efficacité à protéger Saint-André en cas de grandes marées. L’une d‘elles est sortie l’an dernier, et a révélé que l’ouvrage est solide, bien construit et efficace. Une seconde étude, comprenant plusieurs scénarios, est en voie d’être terminée, et tendrait aussi à reconnaître la solidité des aboiteaux.
« Une troisième démarre à la fin avril pour le compte du ministère des Affaires municipales, qui désire un portrait urbanistique, à savoir quelles habitudes les résidents doivent avoir pour vivre aux côtés d’un aboiteau. Je crois qu’ils craignent la répétition d’une tragédie comme celle de Sainte-Marthe-sur-le-Lac [NDLR en 2019, alors que des centaines de maisons avaient été détruites par une inondation]. Mais la situation n’est pas la même du tout. Nous avons une marée qui entre durant sept ou huit heures, puis se retire. À Sainte-Marthe-sur-le-Lac, l’eau a poussé sur la digue pendant des semaines. »
Saint-André submergé
Saint-André a bien été submergé, en 2010. « C’était la submersion qui revient à chaque 100 ans, et elle a été très documentée, rappelle Gervais Darisse. Nous avons même engagé un arpenteur qui a mesuré les niveaux partout, ceci pour convaincre le ministère de l’Environnement que notre digue est là, et est bien faite. La première avait eu lieu en 1914, et selon les données recueillies à l’époque, les deux événements ont eu des conséquences similaires. Alors oui, nous sommes à proximité du fleuve, mais nous ne sommes pas les seuls, et nous prenons les moyens pour nous protéger. Je demeure dans la partie la plus basse du village, et ça ne m’empêche pas de dormir. »
Des annonces gouvernementales concernant les aboiteaux devraient avoir lieu en 2025. « Nous ne savons pas ce qui sera annoncé, affirme le maire, mais ce sera en fonction du cadre normatif concernant les digues de protection. C’est pour cette raison que nos trois études doivent être déposées pour la fin de l’année 2024. »
Il reste à espérer que la prochaine inondation centenaire ne se produise pas en même temps que la prochaine éclipse solaire…