Silence, on tourne à Rivière-Ouelle

Fanny Migneault-Lecavalier et Alexa-Jeanne Dubé. Photo : Alexa-Jeanne Dubé

Les promeneurs du bord du fleuve à Rivière-Ouelle auront peut-être constaté une activité inhabituelle sur le site de la maison des Jésuites le 22 septembre. Alexa-Jeanne Dubé et sa partenaire Fanny Migneault-Lecavalier y ont tourné des images du court métrage Dormance, auquel le Kamouraska servira de décor.

On y découvrira l’histoire de deux sœurs ayant hérité de la maison de leur grand-père, au bord du fleuve. Leur retour dans cette maison éveille en elles des souvenirs douloureux qui étaient jusqu’alors en dormance. Un traumatisme qui ne sera jamais clairement nommé, seulement évoqué. « Il est question d’inceste, que nous avons personnifié par un monstre marin, tout en algues. Ce monstre ne pose aucun geste, il est simplement là, évoquant les ravages provoqués par les abus et le silence qui les entoure », dit Alexa-Jeanne Dubé, la fille de Philippe Dubé, muséologue et professeur bien connu du milieu culturel kamouraskois.

Fanny Migneault-Lecavalier, qui coscénarise et coréalise le court métrage, souligne que « dans notre imaginaire collectif, le monstre marin évoque la menace vague qui rôde sous la surface ». Ce monstre sert aux deux cinéastes à démontrer combien le traumatisme est nourri par le silence, dont les effets peuvent rester cachés aux yeux du monde, mais menacent à tout moment de ressurgir et de faire des ravages dans la vie des victimes.

Le tournage à Rivière-Ouelle a fourni le décor idéal pour servir cette image. Brouillard dense, vagues hautes et vents de tempête ont servi de toile de fond à une scène particulièrement dramatique. « C’était vraiment la magie du cinéma, évoque Alexa-Jeanne. La mer en tempête représentait exactement le moment douloureux de la prise de conscience du personnage! » Il faut souligner le courage de l’actrice, dont le scénario prévoyait qu’elle devait se baigner dans le fleuve à ce moment précis.

Une histoire de résilience

L’objectif des deux cinéastes est de mettre en scène une histoire difficile dans un lieu magnifique. « Nous voulions montrer que les souffrances en dormance au fond de nous peuvent nous priver de pleinement apprécier la beauté et la douceur », explique Alexa-Jeanne, qui en était à son cinquième court métrage. Fanny renchérit en soulignant que « oui, on peut panser certaines plaies, mais la cicatrice est toujours là, et la beauté de la nature peut aider à vivre ».

La météo aura d’ailleurs collaboré jusqu’au bout, en offrant quelques journées de douceur et de soleil pour le tournage d’images lumineuses et apaisantes dans plusieurs villages du Kamouraska. « C’est un film très doux, qui veut faire du bien aux survivantes plutôt que de mettre l’accent sur les monstres », conclut Alexa-Jeanne Dubé.

Cette expérience de coréalisation est une première pour les deux femmes, qui se sont connues au cours de divers projets théâtraux — elles sont toutes les deux actrices —, et elles souhaitent avoir l’occasion de recommencer. Pour l’instant, elles ont prévu terminer le montage du film en décembre, espérant qu’il soit sélectionné par quelques festivals de court métrage pour lui assurer une certaine diffusion.

« Le film sera traversé d’une trentaine de tableaux filmés des paysages de toute la région, c’est sûr qu’on a envie de le montrer », conclut Alexa-Jeanne, qui espère pouvoir présenter Dormance au Kamouraska, où il a été tourné.