Têtes d’affiche

La réalisatrice Anne Émond, originaire de Saint-Roch-des-Aulnaies, était la tête d’affiche du festival Vues dans la tête de en fin de semaine à Rivière-du-Loup. Elle était entre autres accompagnée de l’actrice Mylène Mackay qui tient le rôle-titre de son plus récent long-métrage, Nelly.

La cinéaste voit comme un honneur d’avoir été choisie comme porte-parole du festival cette année. Anne Émond est demeurée attachée à son coin de pays. Des scènes de son long-métrage précédent, Les êtres chers, ont d’ailleurs été tournées à Notre-Dame-du-Portage. Elle aime le concept du festival qui lui a permis de mettre au programme «des films qui n’ont pas été assez vus», dit-elle.

Inspiré de la vie et de l’œuvre de l’écrivaine Nelly Arcan, son film Nelly en a fait également la coqueluche des médias depuis sa sortie le 20 janvier dernier.

Anne Émond n’a pas conçu son film comme un drame biographique conventionnel. Elle a jeté au panier la première version du scénario qui allait dans cette direction au profit d’une fiction qui permet d’explorer les démons de Nelly à travers quatre facettes de sa vie : la putain, l’amoureuse toxique, la star et l’écrivaine. Les quatre personnages sont interprétés de façon magistrale par Mylène Mackay.

Des réactions

En touchant à une icône de la littérature québécoise, la cinéaste se doutait bien que son film allait susciter des réactions. Mais pas à ce point. «J’aurais pu me faire lapider, mais ça n’a pas été le cas», lance-t-elle. L’accueil est même positif.

«Il y a une empathie chez les gens qui est palpable», ajoute Mylène Mackay. «C’est la première fois que je reçois ça; autant de gens qui viennent me dire bravo, mélangé à un merci, mélangé à des larmes, mélangé à un immense bouleversement. Humainement, je trouve ça magnifique», dit-elle.

Anne Émond raconte que sa principale peur était de heurter la famille et les proches de Nelly Arcan. Même si certains avaient lu le scénario et qu’elle leur avait exposé ses nobles intentions, le risque était présent. «Tout a été accepté», dit-elle. Anne Émond savait très bien ce que c’était que de mettre des gens qui ont existé à l’écran, l’ayant fait elle-même pour sa propre famille dans Les êtres chers. «La Nelly qui m’intéressait n’était pas la Isabelle Fortier [son vrai nom] de Lac-Mégantic, mais la Nelly urbaine de Montréal», dit-elle. La famille de l’écrivaine est pratiquement absente du film.

Prodigieuse Mylène

Mylène Mackay ne ressemble pas à Nelly Arcan. C’était d’ailleurs une condition au scénario. «Je me suis inspiré d’elle, mais je n’avais pas à calquer sa façon d’être et de parler. Ce film est une interprétation libre et pour moi, c’est un peu cela aussi», dit-elle. L’actrice n’a pas tenté d’imiter Nelly, ce qui lui donnait davantage d’espace de jeu.

Une interprétation trop fabriquée de l’écrivaine aurait pu gâcher le film. Mylène Mackay, que le magazine Elle Québec qualifie d’étoile montante dans son édition de février 2017, est au contraire sublime dans chacune des quatre interprétations. Elle porte l’œuvre sur ses épaules avec la force d’Atlas soutenant la voûte céleste après la révolte des titans.

Pour Mylène, interpréter Nelly semble prédestiné. Dans sa création théâtrale Elles Xxx avec Marie-Pier Labrecque, Nelly Arcan a été la principale source d’inspiration. «J’avais vraiment des atomes crochus avec cette auteure. Il y avait une Nelly intégrée dans mon corps», dit-elle. «Je ne crois pas au hasard. C’est ce qui m’a préparé à ce projet. La vie s’est occupée de moi», lance la comédienne.

Pour Anne Émond, Nelly vient en quelque sorte boucler une trilogie de films sur le mal de vivre. Nuit #1 nous présente Clara, une jeune femme qui cherche sa place. Les êtres chers aborde directement la mélancolie, le mal-être. Nelly Arcan, on le sait, a connu un destin tragique.

La réalisatrice s’en est rendu compte en voyant ses trois longs-métrages l’un derrière l’autre. «Là, affirme Anne Émond, je veux que mon prochain film soit autre chose.»

Nelly est à l’affiche cette semaine au cinéma Le Scénario de La Pocatière.