Un sous-traitant de Bombardier suggère de contourner les accords internationaux

Le pdg de Graphie 222 à La Pocatière, Bruno Morin, croit que le Canada ne favorise pas suffisamment les entreprises locales dans le cadre des appels d’offres internationaux, contrairement à plusieurs autres pays dans le monde. Selon lui, il serait possible de favoriser des entreprises comme Bombardier et ses sous-traitants, même dans les cas où le contenu local ne s’applique pas, par le biais du fameux « cahier des charges. »

Bruno Morin n’en démord pas, si VIA Rail, une société de la couronne, va vraiment de l’avant avec Siemens pour son contrat de remplacement des wagons qui doivent servir au corridor Québec-Windsor, c’est toute la grappe industrielle évoluant dans le domaine du transport en commun au Québec et au Canada qui va en souffrir. « On ne protège pas assez notre marché au Canada et on applique peut-être trop les accords de commerces internationaux à la lettre. Il y a plusieurs autres pays qui sont soumis aux mêmes accords et c’est plutôt rare de voir des entreprises qui ne sont pas installées dans ces pays remporter les appels d’offres », a-t-il déclaré, en référence au fait que Siemens projetterait de construire les voitures de train en Californie, tandis que l’ingénierie serait réalisée en Allemagne.

« On ne protège pas assez notre marché au Canada et on applique peut-être trop les accords de commerces internationaux à la lettre. Il y a plusieurs autres pays qui sont soumis aux mêmes accords et c’est plutôt rare de voir des entreprises qui ne sont pas installées dans ces pays remporter les appels d’offres. » – Bruno Morin

Si des pays comme la France, par exemple, avaient été en mesure de « contourner » l’absence de contenu local dans les appels d’offres tout en privilégiant des entreprises installées sur son territoire, c’est parce qu’ils auraient ajusté le fameux « cahier des charges » qui vient avec chacun de ces contrats, selon le pdg de Graphie 222. « On peut privilégier des technologies qui sont propres à certaines entreprises dans le cahier des charges. Je ne suis pas dans la négociation du contrat de VIA Rail, mais on peut supposer qu’il y a des technologies qu’elle demande qui ne sont pas exactement celles développées par Bombardier, mais qui correspondent davantage à celles de Siemens. Pour rencontrer les exigences, Bombardier doit donc faire un redesign de sa propre technologie, ce qui vient augmenter ses coûts de production et la rend moins compétitive face à ses concurrents », a-t-il suggéré.

Au final, en ajustant le cahier des charges, les entreprises locales pourraient donc être indirectement favorisées, malgré l’absence de contenu local. « C’est ce qui se passe en Europe, au Japon et en Chine. Il n’y a pas de pays aussi accueillant que le Canada », a-t-il ajouté.

Déjà des répercussions

Installée dans le Parc de l’Innovation à La Pocatière, Graphie 222 collabore avec Bombardier depuis 1984. Elle conçoit pour l’entreprise ferroviaire des plaques signalétiques et d’autres pièces utilisées par d’autres sous-traitants de Bombardier comme Technologies Lanka et Axion Technologies qui ont également pignon sur rue dans le Parc de l’Innovation.

Selon Bruno Morin, le comportement commercial des gouvernements provincial et fédéral, lors des plus récents appels d’offres pour l’achat de matériel roulant au Canada, aurait déjà un impact sur la grappe industrielle qui s’est développée au pays dans le domaine du transport en commun. À titre d’exemple, il rappelle les mises à pied annoncées en août dernier par son voisin, Axion Technologies, qui a choisi de regrouper ses activités de production aux États-Unis et en Europe. « Le bureau chef a vu qu’il n’y avait aucun avantage d’avoir une unité de production au Canada, parce qu’il n’y a pas de contenu canadien exigé ici. Ils ont décidé de transférer les emplois où on en demande. Ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres », a-t-il mentionné.

Il va même plus loin en précisant que ce contexte commercial force certaines entreprises à réorienter leurs activités dans des secteurs où il y a déjà des joueurs au pays. « On finit par se faire compétition entre nous. Au net, on ne fait qu’accentuer les pertes d’emploi et on freine le développement de nouvelles technologies qui nous permettraient de demeurer encore plus compétitifs à l’international. C’est la démonstration que ce genre de décisions n’a pas seulement un impact négatif auprès de Bombardier », concluait-il.