Un départ pour une meilleure gestion des textiles

Maxime Saint-Denis dans l'entrepôt du Centre d'entraide louperivois. Photo : Sarah Tavernier

Sarah Tavernier et Maxime Saint-Denis, toutes les deux chargées de projet chez Co-éco et Synergie Bas-St-Laurent respectivement, ont passé leur été 2022 à faire le tour des friperies de la région. Alors qu’une remplissait un questionnaire avec les propriétaires, l’autre se faufilait dans l’entrepôt, naviguant sur des « montagnes de sacs de poubelle remplis de vêtements ». Dans des pièces sombres, humides et entassées, elle notait la qualité et le type de textiles qui lui passaient entre les mains. Ce travail colossal a mené au premier portrait des textiles postconsommation des citoyens du Bas-Saint-Laurent.

Durant leur recherche, le duo est allé visiter d’autres « espaces de transition », tels que les écocentres et les sites d’enfouissement, mais ce sont les friperies qui ont d’abord sonné l’alarme. Par le biais de concertations, ces dernières ont signalé une surconsommation de textiles qui exacerbait le stress déjà posé sur leurs opérations en raison d’un manque de main-d’œuvre, de financement, et d’espace.

Failles de la seconde main

« Tout ce qui est usé, en mauvais état, souillé, et qui est quand même envoyé dans les friperies, ça sera mis à la poubelle. Et la poubelle, c’est le site d’enfouissement. […] C’est un problème, parce que c’est un tri supplémentaire pour les friperies », explique Sarah Tavernier. Elles ont beau préciser qu’il leur faut des vêtements en bon état, le tiers de ceux reçus serait de « mauvaise qualité », et seulement la moitié finirait par être vendue.

Les écocentres et centres de tri ont un problème semblable, puisqu’ils reçoivent des textiles alors qu’ils ne sont pas acceptés. « C’est problématique sur leur chaîne de tri, et en plus, ils doivent prévoir un budget puisqu’ils doivent envoyer [le textile] à l’enfouissement », fait valoir Sarah Tavernier. En ce qui a trait aux vêtements placés dans le bac noir, ils ne sont tout simplement pas traités.

Toutefois, la poubelle n’est pas la seule destination pour les textiles invendus. Une portion est envoyée dans les dépôts de textiles, puis acheminée à Montréal ou encore à l’étranger. En friperie, environ 5 % des articles reçus sont valorisés, généralement en guenilles. Autrement, il y a peu de débouchés. Le portrait révèle que 6300 tonnes de ces matériaux finissent dans les sites d’enfouissement bas-laurentiens chaque année.

« C’est sûr que les friperies, elles ne s’attendent pas à recevoir des produits ultraneufs », vient nuancer Sarah Tavernier, lorsqu’interrogée sur l’utilité potentielle des articles peu endommagés. « Toutes les friperies croient au réemploi, mais quand on ouvre des poches qui sont complètement abîmées, souillées ou irrécupérables, c’est plus d’ouvrage et c’est invendable », poursuit-elle.

Alternatives

La chargée de projet indique que les friperies « trouveraient ça génial de pouvoir réparer et valoriser les dons sur place. Mais c’est trop cher ». Ce travail nécessiterait une main-d’œuvre à temps plein, une ressource qu’elles ne peuvent généralement pas se permettre. En fait, selon le portrait, les friperies OBNL opèrent à l’aide de onze bénévoles, en moyenne.

Une partie des solutions reposerait sur le développement d’un réseau de réparation, d’après Sarah Tavernier. Elle prend pour exemple La couturière volante, en Matanie, qui crée de nouveaux objets à partir de vêtements usagés. Cependant, elle appelle à utiliser le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux et les annonces pour trouver ces compétences localement. La chargée de projet mentionne aussi la tenue d’événements comme Répare tes trucs, qui offrent l’accompagnement dans la réparation de divers objets.

Pour Sarah Tavernier, « le portrait, c’est un début ». L’idée derrière ce travail est de fournir des données qui pourront servir aux acteurs qui souhaitent intervenir. Au niveau de Co-éco, les prochaines étapes pourraient comprendre le développement de pistes d’action, de la caractérisation de textiles pour les des entreprises, ou encore de la sensibilisation citoyenne.

Pour les lecteurs qui se demandent comment minimiser leur impact dès aujourd’hui, « le mot, c’est réduire », soutient la chargée de projet. « Le meilleur geste, à la base, c’est d’éviter de trop consommer. Une fois qu’on a décidé de consommer, c’est d’essayer de trouver les meilleures voies pour le garder le plus longtemps possible avant qu’il termine à l’étape ultime. »