L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) est revenu à la charge en concluant que le baccalauréat devrait être la porte d’entrée obligatoire pour devenir infirmière, à la suite d’états généraux tenus sur la profession le printemps dernier. Pour la directrice générale du Cégep de La Pocatière Marie-Claude Deschênes, cette recommandation fait preuve de mépris à l’égard des diplômés issus du milieu collégial.
Cette déclaration de Mme Deschênes fait suite à la divulgation dans La Pressed’une partie du rapport sur les états généraux tenus le printemps dernier par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec sur la profession infirmière. Parmi les 31 recommandations formulées par les commissaires Francine Ducharme et Robert Salois, celle comme quoi le baccalauréat doit devenir la seule et unique porte d’entrée à la profession dans un horizon de cinq ans, comme c’est le cas ailleurs au Canada et dans le monde, n’a pas manqué de piqué au vif la directrice générale du Cégep de La Pocatière.
« Nos diplômés en soins infirmiers sont des techniciens d’excellence, des infirmières aux compétences extraordinaires, des gens capables d’offrir des soins de qualité dans nos hôpitaux, les piliers du réseau (de la santé) qu’on les appelle. Ils représentent plus de 50 % des infirmières qui pratiquent la profession. L’Ordre se compare aux autres provinces canadiennes et aux autres pays, sans égard à la spécificité du modèle collégial qui est unique au Québec », a-t-elle ajouté.
La réaction de Marie-Claude Deschênes fait écho à celle de la coalition pour le maintien du DEC qualifiant en soins infirmiers, qui rassemble notamment la Fédération des cégeps, qui elle représente les 46 établissements collégiaux qui dispensent actuellement cette formation au Québec, ainsi que plusieurs autres organisations comme le Regroupement provincial des comités des usagers du réseau de la santé et des services sociaux (RPCU), la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ) et l’Association des enseignantes et enseignants en soins infirmiers des collèges du Québec (AEESICQ). Unanimement, ils ont demandé le 22 septembre à la ministre de l’Enseignement supérieur et le ministre de la Santé et des Services sociaux de mettre « un terme à cette remise en question qui perdure depuis 20 ans ».
Les besoins criants en matière de personnel infirmier dans le réseau de la santé sont du nombre des arguments évoqués par cette coalition pour ne pas aller de l’avant avec cette recommandation. Marie-Claude Deschênes est aussi du même avis et qu’il serait préférable de miser davantage sur l’approche DEC-Bac qui est déjà un continuum reconnu et qui permet aux étudiants collégiaux de voir certains cours réalisés dans le cadre de leur DEC crédités lorsqu’ils poursuivent à l’université.
« Selon nos statistiques, un finissant sur deux poursuit au baccalauréat après leur formation technique. On ne le décourage pas, au contraire, on l’encourage. Mais les étudiants qui choisissent cette avenue le font aussi à leur rythme, souvent en conciliant travail-famille. Je prétends que si on allait de l’avant avec la recommandation de l’Ordre, il y aurait tout simplement plus de jeunes du secondaire qui se tourneraient vers une autre profession », poursuit-elle.
Valoriser la profession
Au nombre de 16 cette année, les inscriptions en première année de soins infirmiers fluctuent d’une année à l’autre au Cégep de La Pocatière, mais se maintiennent depuis deux ou trois ans dans une jauge jugée satisfaisante. Un total de 48 étudiants suivent actuellement la formation en première, deuxième ou troisième année. Pour la directrice générale du Cégep de La Pocatière, la valorisation de la profession infirmière est un enjeu qui doit être abordé.
« L’année où les ruptures de services faisaient les manchettes régulièrement à l’hôpital de La Pocatière, on avait eu notre plus petite cohorte à vie avec seulement quatre inscriptions. L’an dernier, alors qu’on estimait beaucoup le personnel soignant au plus fort de la COVID, nous avons eu 20 inscriptions, comme si le niveau de valorisation qu’on accorde à la profession avait une incidence directe sur notre nombre d’inscriptions. Il y a peut-être quelque chose à travailler de ce côté-là », conclut-elle.