Le père Noël du Centre D’Anjou

Photo : Maxime Paradis.

Il était une fois, un mécanicien au chômage forcé à cause d’une pandémie planétaire. Voulant faire sa part au sein d’un réseau de la santé fragilisé, il décide de s’inscrire sur le site gouvernemental Je contribue. Engagé comme portier du jour au lendemain, il décide après de changer de carrière et de devenir préposé aux bénéficiaires.

L’histoire de Marc-Antoine Tremblay peut sembler banale à première vue, les cas de préposés aux bénéficiaires ayant eu « l’appel » depuis le début de la pandémie étant nombreux. Le côté léger de sa personnalité et la simplicité avec laquelle il aborde chaque quart de travail sont probablement ce qui le place dans une classe à part.

Le 16 décembre, entre autres, Marc-Antoine revêtait une fois de plus le costume du père Noël, la troisième fois depuis le début de ses vacances la semaine précédente. Ce jour-là, le Centre D’Anjou de Saint-Pacôme, où Marc-Antoine travaille désormais à temps plein comme préposé aux bénéficiaires, tenait sa troisième journée d’activités de Noël pour ses résidents.

Sur la musique interprétée par Langis Laflamme, il a fait son entrée et s’est approché de ses résidents, les appelant tous par leurs noms. Rien n’a été expédié, et cela, même si le niveau de réceptivité de chacun variait selon leur état de santé. Des compliments aux dames, des blagues aux messieurs, Marc-Antoine était d’un naturel désarmant, apportant avec lui une dose de bonne humeur. Sa tournée personnalisée terminée, le père Noël a passé à la distribution de cadeaux avec la même bonhommie.

« J’ai toujours aimé faire rire les gens, les divertir. Si je peux rendre agréable les derniers moments de ces gens-là, pour moi, il n’y a pas meilleure paye », dit-il.

Comme bien des gens, Marc-Antoine Tremblay pourrait rentrer au travail tous les matins et se contenter de respecter à la lettre sa « définition de tâche », mais il n’en a pas envie. Il apporte évidemment tous les soins qu’un préposé se doit d’offrir à ses résidents. Il change des couches, confesse-t-il sans gêne, chose qu’il n’aurait jamais cru faire un jour dans sa vie. Tout « l’extra » qu’il offre à ses résidents, par contre, c’est ce qui l’allume et le passionne le plus.

« Au garage, les gens m’apportent leurs voitures, je vais débosseler quand c’est accidenté, changer des choses, réparer ce qui est brisé. Après, le véhicule repart et c’est réglé. Tu ne peux pas faire ça dans un CHSLD. On ne s’occupe pas de “machines”, ici, mais d’humains. »

On comprend donc pourquoi enfiler un costume de père Noël durant ses journées de congé n’embête en rien Marc-Antoine. À même titre qu’il était bien à l’aise à se déguiser en femme fatale à l’Halloween, ou à se balader dans les corridors du centre d’hébergement en grattant le ukulélé qu’il a laissé traîner sur la banquette arrière de son véhicule ce jour-là. Si tous ces petits plus peuvent contribuer à mettre plus de soleil dans le quotidien de ses résidents, pour Marc-Antoine Tremblay, c’est mission accomplie.

« Avec tout ce qu’on a entendu durant la COVID sur les CHSLD, le mot fait peur aujourd’hui. Mais on oublie qu’à la base c’est un milieu de vie et qu’on peut l’animer. »

De mécanicien à préposé

Cette image sinistre des CHSLD propagée dans les médias lors de la première vague, Marc-Antoine Tremblay avoue qu’il la prenait avec un grain de sel, à l’époque. La pandémie ayant forcé la fermeture de l’entreprise pour laquelle il travaillait – Atelier Carois de La Pocatière – il s’était laissé convaincre par sa belle-mère gestionnaire dans le réseau de la santé et sa conjointe infirmière de s’inscrire à la plateforme Je contribue. En peu de temps, il s’est retrouvé portier dans un établissement de santé de la région.

Quelques mois plus tard, alors qu’il discutait avec son frère militaire à Valcartier, c’est là qu’il a pris toute la mesure du drame des CHSLD. « Il me racontait que des amis à lui avaient passé des journées à sortir des corps, que l’hécatombe qu’on rapportait était dans les faits bien pire qu’on ne pouvait se l’imaginer. »

La prise de conscience qui s’en est suivie est ce qui a motivé Marc-Antoine à répondre présent à l’appel du gouvernement lorsqu’il a lancé sa formation accélérée de trois mois pour devenir préposé aux bénéficiaires. « Je me suis dit, s’ils ont besoin de bras, moi j’en ai deux, donc j’ai fait le saut », raconte-t-il.

Embauché à temps plein en juin au Centre d’hébergement d’Anjou de Saint-Pacôme, Marc-Antoine n’a jamais regretté son changement de carrière, même s’il travaille encore à temps partiel comme mécanicien chez Atelier Carois. À 25 ans, il réalise qu’il a finalement toujours été quelqu’un de profondément humain et que ce qu’il fait aujourd’hui est beaucoup plus en phase avec qui il est réellement. Son équipe de travail et ses résidents, à qui il est visiblement très attaché, sont aussi devenus sa deuxième famille.

« On ne se fera pas de cachette, les gens viennent ici pour mourir, c’est une fatalité. On ne rajoute pas d’années à leur vie, mais si je peux rajouter de la vie à leurs années, moi, ma job est faite! »

Photo : Maxime Paradis.