Éditorial : La Pocatière doit se ressaisir

Vue sur La Pocatière. Photo : Nicolas Gagnon.

Le passage de la population de La Pocatière sous la barre des 4000 habitants a de quoi préoccuper non seulement les élus pocatois, mais toute la région. Il n’est pas dans l’intérêt de personne de voir cette petite ville-centre décliner sur le plan démographique, alors qu’elle demeure un aimant à services essentiels et à emplois de qualité qu’on retrouve dans certains cas seulement à Montmagny ou Rivière-du-Loup.

Le nouveau maire de La Pocatière Vincent Bérubé est visiblement très préoccupé et on le comprend. Il faut dire qu’au royaume du « Kamouraska way of life », qui consiste en la petite maison de campagne dans un rang pour y vivre d’autosuffisance, La Pocatière n’a clairement pas les éléments pour rivaliser avec les Mont-Carmel ou Saint-Germain-de-Kamouraska de ce monde. Mais de là à dire que La Pocatière est dépourvue d’atouts ?

Elle jouit tout de même d’un beau belvédère sur le fleuve avec un accès privilégié dans la Grande-Anse ; d’un petit Mont-Royal en plein cœur de son territoire ; d’une palette de services impressionnants héritée d’un passé plus glorieux, mais qui continue encore de subsister aujourd’hui malgré une décroissance de sa population depuis 25 ans ; d’employeurs de choix dans des domaines de pointe ; d’un renouvellement constant de nouveaux arrivants, gracieuseté de deux maisons d’enseignement collégial et d’entreprises à la destinée internationale. Tout demeure toutefois dans la façon d’en faire la promotion ou de mettre ces atouts en valeur.

Le hic, c’est que La Pocatière tarde depuis longtemps à adapter son discours et ses actions à cette belle jeunesse urbaine et ultra scolarisée qui choisit la région et que courtisent pourtant les entreprises de son territoire pour combler ses besoins de main-d’œuvre. Autant les efforts ont été mis sur la « qualité de vie », en témoigne l’offre de loisirs exponentielle qu’on y retrouve et qui n’a rien à envier à celles des meilleures banlieues qui encerclent Québec et Montréal, autant le concept de « milieu de vie » qui allie à la fois une vie culturelle riche et animée à un environnement inspirant, généralement l’apanage d’une ville-centre, souffre d’un dynamisme désolant.

Sortir de l’ordinaire

Si l’Halloween réussit à faire mentir à ce chapitre, la vérité est que le reste de l’année, La Pocatière se vide des gens qui viennent y travailler ou qui y habitent pour consommer ce dynamisme recherché ailleurs, souvent sur le littoral. Il s’agit là d’une situation inhabituelle pour une ville-centre, celles-ci n’étant pas toujours le lieu de résidence des gens qui y travaillent, mais certainement le lieu de convergence lorsqu’il s’agit de trouver quelque chose qui sort de l’ordinaire.

Et pourtant, La Pocatière n’est pas dépourvue d’initiatives à ce chapitre. On a qu’à penser au mouvement en agriculture urbaine VertDire, unique dans la région, et pourtant en adéquation parfaite avec la longue tradition d’enseignement agricole qui existe à La Pocatière depuis plus de 150 ans. Comment pousser ce créneau distinctif encore plus loin ? Est-il fou de penser à remplacer toutes les fleurs dans les plates-bandes par des légumes comestibles afin d’en faire la signature de la ville ? Chicago est devenue une leader dans le domaine et il y vente autant qu’à La Pocatière ! Il est toujours permis de rêver…

Prenons maintenant le Marché public, toujours de plus en plus fréquenté et admirablement revampé avec ses nouveaux kiosques rustiques inaugurés il y a de ça deux ans. Placer ce dernier dans la « cour à bois » d’une quincaillerie, est-ce vraiment un endroit de choix ? Il y a certes du stationnement, mais ne serait-il pas plus visible au cœur de la ville et dans un plus bel environnement, à proximité de la première école d’agriculture et de la rue principale, par exemple ? On jase.

Autre point. Pourquoi La Pocatière, dont la concentration de services de proximité dans un rayon relativement rapproché ne jouerait pas la carte d’une vie de quartier à la Montréalaise, mais en pleine ruralité ? Elle pourrait favoriser encore davantage les déplacements actifs sur son territoire, un créneau d’avenir vous diront tous les environnementalistes et qui plairait certainement auprès de ces nouveaux résidents qu’on cherche à accueillir et retenir. Lorsqu’on prend un virage aussi assumé, l’enjeu du stationnement devient alors moins important pour l’emplacement du Marché public et le réaménagement de la 4e Avenue Painchaud que tous souhaitent beaucoup plus conviviale.

Réfléchir et rassembler

Vincent Bérubé n’a pas tort lorsqu’il affirme qu’il manque de logements locatifs de qualité et d’endroits où bâtir de nouvelles résidences à La Pocatière. Il faut toutefois rappeler qu’à ce chapitre, la Ville s’en remet depuis longtemps entre les mains de promoteurs privés pour mener la destinée du développement domiciliaire sur son territoire, avec pour conséquence principale d’offrir des terrains prêts à construire à prix non-compétitifs comparativement aux municipalités environnantes. Aujourd’hui, La Pocatière en paye le prix, n’étant pas disposée à bénéficier de la vague d’engouement pour les régions qui a déferlé sur tout l’Est-du-Québec depuis deux ans.

Hormis l’absence de grands terrains ou de maisons avec vue sur le fleuve, la problématique de La Pocatière réside aussi dans le fait que la ville, qui a toujours aimé se draper du qualificatif « innovant », a cessé depuis un bon moment de l’appliquer, souvent par peur de déplaire aux voix les plus conservatrices et minoritaires de sa communauté, mais qui montent rapidement aux rideaux dès que le changement se pointe le bout du nez. Ce manque d’audace et de vision y est certainement pour quelque chose dans l’absence de dynamisme qu’on y déplore aujourd’hui ainsi que dans le faible taux d’attraction et de rétention de citoyens qu’on y observe.

Pour y remédier, la volonté du maire est certes un bon point de départ, mais le temps est venu pour toute la communauté de se ressaisir, se rassembler et de réfléchir à l’avenir. Une démarche de planification stratégique, dont la dernière est échue depuis 2011, serait certainement à considérer.