Si la pandémie a occasionné une insécurité alimentaire plus forte qu’à l’habitude ces deux dernières années, l’inflation est maintenant la principale raison qui explique les hausses des demandes d’aide d’urgence chez Moisson Kamouraska. Selon la directrice générale de l’organisme Mireille Lizotte, cette hausse vient aussi avec son lot de complications dans la gestion des stocks.
En prévision du discours sur le budget provincial prévu le 22 mars, le ministre des Finances Eric Girard signifiait que l’inflation moyenne serait de 4 % au lieu de 3 % au courant de la prochaine année. En 2021, l’Indice des prix à la consommation (IPC) surpassait les 5 %, rapportait en décembre le Journal de Québec. À l’échelle du pays, on évaluait alors que le prix des aliments avait grimpé de 4,4 % entre janvier et décembre.
« L’inflation, on la vit à tous les niveaux : les demandes augmentent, les dons diminuent et quand on doit acheter pour bien remplir notre mission, nous aussi on doit jongler avec la hausse des prix des aliments. Gérer tout ça, c’est une véritable gymnastique », reconnaît Mireille Lizotte.
En 2020, la directrice générale de Moisson Kamouraska rappelle qu’une caisse de 40 lb de bananes se vendait 33,44 $. Deux ans plus tard, elle paye la même caisse 53,81 $. « Et elles ne sont pas bio », tient-elle à préciser.
L’image qu’elle a toujours utilisée, soit celle qu’avec un dollar Moisson Kamouraska fait trois repas, ne tient plus la route selon elle. « Je dirais même qu’il est préférable dans les conditions actuelles de recevoir des dons en denrées plutôt qu’en argent », poursuit-elle, même si cela nécessite une coordination de tous les instants afin de transformer ce qu’il se doit avant qu’il ne soit trop tard.
Aide d’urgence
Cette embûche inflationniste qui touche aujourd’hui Moisson Kamouraska survient alors que l’organisme peine à sortir sa tête de l’eau après deux ans de pandémie. En mai dernier, l’organisme mentionnait sur sa page Facebook avoir enregistré une hausse de 30 % des demandes, depuis l’apparition de la COVID-19.
Dans pareil contexte, le Réseau des banques alimentaires du Québec auquel appartient Moisson Kamouraska envoie des denrées en conséquence, mais c’est avec en plus les dons de la communauté que l’organisme arrive à réellement bien respirer pour remplir sa mission. À ce chapitre, la situation est de plus en plus précaire.
« Les épiciers ou les marchands qui nous donnaient des denrées proches de la date de péremption, ils gèrent mieux leurs stocks et essaient d’écouler au rabais plutôt que de nous donner. Eux aussi ils doivent absorber la hausse des prix », enchaîne Mireille Lizotte.
Difficile aussi de se tourner vers la communauté alors que les ménages sont les premiers à encaisser cette hausse des prix à la consommation, et cela, pas seulement au chapitre de l’alimentation. D’ailleurs, si 15 % de la clientèle de Moisson Kamouraska a actuellement recours à l’aide alimentaire d’urgence, l’organisme observe une proportion de 5 à 7 % de nouvelles personnes au sein de ce groupe dans les derniers mois, ce qui témoigne de la précarité financière de plusieurs dans le contexte inflationniste actuel. En une journée la semaine dernière, Mireille Lizotte précise aussi avoir reçu pas moins de 20 demandes, du jamais vu.
« De plus en plus de gens qui ne se qualifient pas à l’aide alimentaire d’urgence viennent cogner à nos portes dans l’espoir “d’économiser”, parce qu’ils subissent durement les contrecoups de l’inflation. Les étudiants qui arrivaient à joindre les deux bouts sont aussi de moins en moins nombreux, soit parce que leurs parents ne sont plus en mesure de les aider sur le plan alimentaire, soit parce que leurs déplacements coûtent de plus en plus cher avec l’augmentation du prix de l’essence. Et pour les personnes âgées, leur pouvoir d’achat a aussi grandement diminué. »
Moisson Kamouraska ne s’attend donc pas à une diminution de la demande ces prochains mois, lui qui fournit actuellement six MRC, Montmagny, L’Islet, Kamouraska, Rivière-du-Loup, Témiscouata, Les Basques. Une des solutions envisagées est donc de travailler l’autonomie alimentaire par le biais d’une bibliothèque des semences, un projet qui demeure encore à confirmer. « On pense aussi relancer La boîte fraîcheur, mais ça va prendre encore plus si on veut être en mesure de bien réaliser notre mission. »