Les cueilleurs amateurs les récoltent jalousement dans nos forêts. Les chefs cuisiniers leur rendent justice en les mettant de l’avant dans leurs plats. Les scientifiques les étudient et en expérimentent différents usages dans leurs laboratoires. Il n’y a plus de doutes possibles, la magie des champignons opère plus que jamais au Kamouraska. Et si ces minuscules petits parasols avaient non seulement le pouvoir de changer une région, mais aussi le monde ?
Autant le Kamouraska raffole des champignons sous toutes leurs formes, c’est pourtant à Saint-Roch-des-Aulnaies dans L’Islet que le culte prend racine, du moins, chez Thibaud Mony. Propriétaire de L’AcadéMycète, Thibaud produit du mycélium, communément appelé « blanc de champignon », un ensemble de filaments à partir duquel fructifieront les champignons proprement dits.
« Tu vois le blanc à travers le substrat, c’est ça le mycélium. Habituellement, on le retrouve dans le sol, on marche dessus et on ne le voit pas. Sans lui, c’est impossible d’avoir des champignons », montre Thibaud. Le sac qu’il tient est transparent, fermé de manière étanche et rempli de résidus organiques divers qui visent en quelque sorte à reproduire les conditions naturelles de formation du mycélium dans le sol.
Cette production en démarrage, qu’il a brièvement exposée à la lumière du jour afin d’assouvir notre curiosité, est destinée à un producteur maraîcher de Trois-Pistoles. Chez lui, elle sera transvidée dans des chaudières opaques trouées où, en contrôlant certains paramètres comme la température et l’humidité, la minime exposition à la lumière permettra à des champignons comestibles de pousser à travers les trous.
Effervescence
De son petit laboratoire adjacent à sa maison, aménagé pour la modeste somme de 10 000 $, Thibaud Mony produit donc depuis plus d’un an ce mycélium pour une variété de clients allant de Gatineau à Québec, en passant bien sûr par Trois-Pistoles, L’Islet et le Kamouraska. Tous ont en commun de pratiquer la culture des champignons, activité qui connait une certaine effervescence à l’heure actuelle au Québec. Lui-même formateur en culture de champignons, il en sait quelque chose.
Son entreprise est d’ailleurs venue au monde de cette manière alors qu’il devait s’approvisionner en mycélium à gros prix à Montréal afin de pouvoir donner ses ateliers, rappelle-t-il. En appliquant au Programme de soutien aux entreprises mycologiques du Kamouraska, volet développement de projets de culture de champignons en 2020, il a été en mesure de toucher une aide financière pour lancer sa production et développer ses propres recettes avec l’aide de Biopterre.
« Chaque champignon a sa recette de substrat. Le mycélium est propre à chaque champignon. Si mon client désire cultiver des pleurotes, j’ai une recette spécifique pour ça, même chose pour des shiitakes. Maintenant, je dois travailler avec quatre ou cinq recettes différentes sur une base régulière. Je les ai toutes mises au point à partir d’un travail de recherche initial effectué par Biopterre. »
Économie circulaire
L’objectif de Thibaud Mony est de devenir le principal fournisseur en mycélium de l’Est-du-Québec. Quelqu’un d’autre dans la région en produit également, mais il se spécialise surtout dans le « liquide », dit-il, alors que lui fait plutôt dans le « solide ».
Une autre particularité qui distingue son mycélium est qu’il développe ses substrats à partir de résidus organiques d’entreprises locales, honorant le principe d’économie circulaire : drêche de bière de Ras L’Bock, son de blé de la Seigneurie des Aulnaies, tourteau de tournesol de la Ferme Pré Rieur, sciure de bois du Tenon et la Mortaise et bientôt le marc de café qui devrait s’ajouter à cette liste déjà impressionnante.
« Ce sont des résidus qui pourraient très bien finir au compostage, mais aussi aux déchets. » Heureusement, Thibaud a eu la présence d’esprit de les revaloriser pour sa production, un exemple concret qu’à eux seuls, les champignons ont le pouvoir de changer le monde, même si ce n’est qu’à petite échelle.