Mgr Goudreault : Incarner la modernité

Mgr Pierre Goudreault.

Oubliez l’image parfois rigide, érudite et inaccessible souvent associée aux évêques québécois, Mgr Goudreault est clairement un homme de son temps. Nommé évêque du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière le 8 décembre 2017, il était à ce moment, à 53 ans, le plus jeune à atteindre cette fonction au Québec. Quatre ans plus tard, celui qui inspire toujours une forme de renouveau au sein d’une Église trop souvent considérée empoussiérée semble bien en contrôle d’un train qui file vers le changement, à vitesse assez raisonnable pour que tous puissent grimper à bord sans se sentir trop bousculés.

Il attaque ses journées aux aurores au Gymnase de La Pocatière, à raison de quatre jours par semaine. Les plus jeunes qui s’entraînent avec lui ignorent probablement qu’il est l’évêque du diocèse.

Passionné de musique, il suit des cours de violoncelle à l’École Destroismaisons, ce qu’il avait commencé alors qu’il était toujours prêtre dans sa paroisse natale de Rouyn-Noranda.

Amoureux de la nature, il partage ses plus beaux clichés sur les médias sociaux, tel un influenceur, quand ce n’est pas les images captées de ses randonnées pédestres ou à vélo, qui trahissent encore là son tempérament sportif.

En public, il n’est pas rare d’entendre les plus familiers l’appeler tout simplement Pierre, ce dont il ne se formalise pas, quand ce n’est pas lui qui demande directement aux autres de le faire.

 Et, attendez, il le reconnaît bien humblement, il a aussi un faible pour les bières de microbrasserie.

Pierre Goudreault n’a jamais cherché à remporter un concours de popularité, contrairement à certains politiciens, mais si ce n’était de son col romain qu’il porte lorsqu’il exerce son ministère, il se confond la plupart du temps à travers ses contemporains. Pas étonnant que son accessibilité soit une des qualités que tous lui attribuent volontiers et qu’on dit de lui qu’il incarne la modernité au sein d’une institution réputée conservatrice.

« C’est sûr que je suis quelqu’un qui aime aller à la rencontre des gens, tant mieux si ça fait de moi un homme de mon époque, un pasteur de notre temps. En tout cas, j’essaie de l’être. Personnellement, j’ai toujours été plus à l’aise dans le renouveau, les projets de développement, que dans la nostalgie du passé de l’Église », avoue-t-il.

Ses différents livres qu’il a publiés au fil des ans en témoignent. Ses plus récents, Se convertir à l’Évangile : un chemin à parcourir ensemble, qui invite à mettre l’Évangile au cœur de nos actions au jour le jour, ou encore, Quand Jésus pose son regard sur moi, une forme de méditation sur les regards dominants de Jésus dans le Nouveau Testament et leur inscription dans le quotidien à travers différentes anecdotes, s’éloignent de cette image souvent statique que les Québécois se font de la religion catholique et qu’ils n’associent, à tort ou à raison, qu’à la messe dominicale à laquelle ils prennent part, ou non, rarement avec enthousiasme.

De ses autres publications, Pierre Goudreault a fait paraître Traverser le deuil de la paroisse en novembre 2014, comme s’il se préparait — lui ou ses futurs fidèles ? — à la réalité qui allait l’attendre à la tête du diocèse, trois ans plus tard. Enfin, avec Faire église autrement, dont la première édition remonte à 2006 et où il met en lumière l’approche des petits groupes de réflexion et de partage qui permettent de partager sa foi et de la vivre selon les préceptes de l’évangile, en quelque sorte, à l’extérieur « du temple », Pierre Goudreault prouve une fois de plus qu’il compose avec son époque et que tout n’est pas noir en ce qui concerne l’avenir de l’Église.

« Oui, il y a ce mouvement de laïcité actuellement au Québec, mais même s’il y a moins de gens qui vont à la messe, il y a encore bien des gens qui se sentent interpelés par le message de paix, d’amour et de collaboration de Jésus, des gens à la recherche d’une communauté de foi. Et ça, ça continue de résonner, même chez ceux pour qui l’Église ne leur dit plus rien ou qui ont été blessés par l’Église dans le passé », rappelle l’évêque.

Ces gens sensibles à ce message, en quête de réponses, l’évêque estime qu’ils sont plus nombreux qu’on ne le croit. Régulièrement, il se fait aborder par des jeunes sur Messenger. Dernièrement, ils sont préoccupés par la guerre en Ukraine, avant, c’était la pandémie. Impuissants, ils cherchent tous des réponses.

« Il y avait ce jeune infirmier qui m’a écrit et qui ne comprenait pas pourquoi des gens âgés et vulnérables mouraient du virus. Pour lui, ça ne pouvait pas être la volonté de Dieu. Je lui ai écrit que je n’avais pas toutes les réponses à son questionnement, mais que pour moi c’était clair que Dieu ne voulait pas ça. Par contre, je lui ai rappelé que par les soins qu’il donnait à ces personnes, Dieu se révélait. »

Peut-être est-ce parce qu’il est un optimiste de nature, ou parce qu’il dispose de ce leadership tranquille qui sait rassembler, mais toutes ces interpellations font dire à Mgr Goudreault que l’avenir de l’Église n’est pas joué et qu’il réside certainement à bâtir des ponts avec des gens de tout horizon qui édifient la société par leur sens du bien commun. Une de ses priorités va même dans ce sens : créer des liens avec différents réseaux de la région, ce qui a été au ralenti ces deux dernières années, avoue-t-il, en raison de la pandémie. Prochainement, il s’est fait un devoir de rencontrer la Chambre de commerce Kamouraska-L’Islet, a-t-il confié.

À l’échelle du diocèse, il veut aussi poursuivre le travail d’adaptation des activités pastorales de concert avec les différents groupes missionnaires. Ces activités doivent répondre davantage aux réalités des gens d’aujourd’hui. « Il faut être dynamique, créatif, accueillant, ne pas être seulement dans une approche “scolaire” ou “magistrale”, mais aussi s’ouvrir aux jeux », suggère-t-il, ajoutant que trouver une relève à certains agents de pastorale sera un défi dans le futur.

Poursuivre l’accompagnement des communautés diocésaines concernant l’avenir de leurs églises est aussi toujours d’actualité. Une équipe de l’évêché a ce mandat, de confirmer Mgr Goudreault, et les exemples déjà vécus ces dernières années permettent maintenant de pousser encore plus loin les réflexions et de mieux orienter les partenariats lorsque possible.

En plus de ces chantiers, Pierre Goudreault rêve d’animer une marche d’un bout à l’autre du diocèse, une forme de pèlerinage comme il se voit en Europe sur les Chemins de Compostelle. Dans sa région natale de l’Abitibi, il l’a fait à quelques reprises, dit-il, à pied et à vélo.

« Notre territoire est magnifique et regorge de belles églises à découvrir. C’est un projet que je vois à la fois spirituel, culturel et communautaire. On est à une époque où tout bouge rapidement dans l’Église, après des décennies de stabilité. Pourquoi ne pas en profiter pour vivre une forme de laboratoire à l’échelle de notre région ? Faisons des essais, des erreurs. Permettons-nous d’essayer de nouvelles choses. »