Samuel St-Pierre ne s’est jamais caché être un grand admirateur de Pierre Perreault, ce cinéaste québécois considéré comme un des pionniers du cinéma direct. Sa plus grande œuvre, Pour la suite du monde, sert aujourd’hui d’inspiration au nouveau projet du documentariste de Sainte-Félicité, dont le regard s’est tourné récemment vers le fleuve.
Pour la suite du monde avait fait grand bruit lors de sa sortie en 1963. Premier long métrage canadien présenté en compétition officielle au Festival de Cannes la même année, il est depuis 2017 désigné par le gouvernement du Québec comme « événement historique » en raison de son caractère fondateur.
Dans ce film, Pierre Perreault présente l’histoire des habitants de L’Isle-aux-Coudres et de sa traditionnelle pêche au béluga, appelé marsouin de ce côté du Saint-Laurent. Abandonnée depuis près de 40 ans au moment du tournage, la pêche avait été reconstituée pour les biens du film par de véritables résidents de l’endroit. Des témoignages « d’anciens » ayant vécu la pêche venaient ponctuer l’œuvre considérée comme un classique du cinéma québécois.
60 ans plus tard, Samuel St-Pierre est retourné sur les traces de Perreault et de cette pêche à L’Isle-aux-Coudres. Avec de nouveaux protagonistes, il a reconstitué cette même pêche fictive filmée par Perreault en 1962. Il y a été conduit en goélette à partir de Rivière-du-Loup par le capitaine Marc Harvey qui pilotait jadis le Trans-Saint-Laurent. Son père et son grand-père avaient participé aux films de Pierre Perreault, à l’époque. « Je me pinçais », raconte le cinéaste.
Résonance d’un fleuve
Plus qu’une inspiration de Pour la suite du monde, le projet Résonance d’un fleuve de Samuel St-Pierre se veut un pont entre le passé et le présent, mais aussi entre les deux rives du Saint-Laurent, avec pour trame de fonds les questions environnementales. Pêche au marsouin et à l’anguille à L’Île-aux-Coudres et Rivière-Ouelle se font écho, présentant au passage ce rapport intime des pêcheurs avec le fleuve et le territoire.
« Il y a quelque chose de poétique dans la façon dont les gens de l’estuaire habitent les rives du Saint-Laurent. Pour eux, le fleuve n’est pas juste une carte postale, ils s’en nourrissent. Et la façon dont ils le font, c’est par un savoir-faire familial qui se transmet dans certains cas depuis cinq générations », explique Samuel St-Pierre.
Le défi est maintenant de rendre le tout en témoignages et en images, une opération complexifiée par l’absence d’aide financière. Le documentariste, qui a rarement été subventionné pour ses projets, estime qu’environ 25 000 $ serait nécessaire pour bien mener Résonance d’un fleuve. Une demande d’aide financière a été déposée au Conseil des arts du Canada, mais Samuel St-Pierre ne peut se permettre d’attendre une réponse positive pour avancer son projet.
« Avoir des sous pour filmer la pêche à l’anguille avec une équipe à l’automne, ça serait super, mais souvent, quand on fait du documentaire, on prend sur nous et on se lance, autrement on perd des occasions. Ce n’est pas comme la fiction que tu peux te permettre d’attendre. Pour ce projet-là, il y a des gens dont je veux récolter les témoignages à L’Île-aux-Coudres qui seront bientôt centenaires. Je ne peux pas me permettre d’attendre encore dix ans. »
Samuel St-Pierre doit encore terminer le montage de quelques épisodes de Territoires de l’âme, une websérie portant aussi sur le rapport des gens avec leur territoire, mais cette fois dans sa contrée natale de L’Islet-Sud. Après Résonnance d’un fleuve, il aimerait bien prendre un virage plus politique et poser son regard de documentariste sur l’avenir du projet indépendantiste au Québec.