La baguette française est maintenant inscrite dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Au Québec, le boulanger d’origine française Charles Létang, copropriétaire de la boulangerie Du pain… c’est tout ! à Saint-Roch-des-Aulnaies, en est un des plus fiers ambassadeurs. Mais qu’est-ce qui la rend si exceptionnelle ?
La baguette « à la française » est certainement le produit de prédilection de Charles Létang. En 2016, il s’est distingué au concours du Meilleur artisan boulanger de La Milanaise en remportant les prestigieux titres de meilleur boulanger et de la meilleure baguette qu’il avait confectionnée à partir de la farine de la Seigneurie des Aulnaies.
Pour cet artisan boulanger, formé à la réputée école Ferrandi de Paris, l’inscription des savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette de pain à titre de patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO est un bel hommage au savoir-faire de la boulangerie française, voire même un symbole de la gastronomie française. Et pourtant, cette baguette, dont plusieurs pensent que le savoir-faire remonte à des centaines et des centaines d’années, a une histoire relativement récente.
« Cette baguette de tradition, comme on l’appelle en France, elle ne remonte qu’aux années 1990. Au début du 20e siècle, on pouvait retrouver en boulangerie des baguettes très longues, des ficelles, certaines coupées en deux, ou d’autres qui pouvaient peser jusqu’à deux livres », raconte-t-il.
Charles Létang attribue à la Loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat votée en 1996 — aussi appelée loi de Raffarin, en référence au ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce et de l’Artisanat de l’époque, Jean-Pierre Raffarin — la standardisation du savoir-faire entourant la baguette française. Cuite, sa longueur est d’environ 55 cm, elle pèse autour de 250 g pour 18 g de sel par kg de farine ; elle est confectionnée avec une farine de tradition de couleur plutôt crème, et contient 70 % d’eau, 15 % de levain et aucun additif ; le boulanger, diplômé, doit la pétrir, la façonner et la cuire sur place, et ne pas lui donner plus de cinq coups de lame ; une fois cuite, elle est croustillante et bien colorée à l’extérieur, alors qu’à l’intérieur elle est à la fois alvéolée et nacrée.
« C’est un produit exigeant à faire et qui est relativement casse-gueule en concours. Le façonnage est exigeant, et si le coup de lame n’a pas bien fonctionné, c’est irrécupérable. C’est tout le contraire d’une bonne miche au levain, ou d’un bon pain de ménage en moule, que si tu ne l’as pas bien façonné, tu peux toujours t’en sortir », résume l’artisan boulanger.
Produit citadin
Aussi fascinante que puisse être la baguette française, Charles Létang ne comprend pas comment ce produit qui se conserve si peu longtemps a pu se démocratiser de la sorte. « La baguette, à la base, c’est très citadin. C’est quelque chose que les gens peuvent ramasser sur le pouce à la boulangerie du coin pour consommation immédiate. En campagne, où on n’allait pas chez le boulanger tous les jours, la miche était de loin préférée, car elle se conservait beaucoup plus longtemps. »
Depuis qu’il a pignon sur rue à la Seigneurie des Aulnaies, Charles Létang fait mentir les Français les plus chauvins qui aiment avancer qu’il est impossible de confectionner une baguette à la française avec les produits disponibles au Québec. La farine de la Seigneurie lui permet selon lui d’arriver au même résultat que s’il travaillait dans une boulangerie française.
« Ce qui diffère entre le Québec et la France, c’est la façon dont on consomme la baguette. Les Français en mangent pratiquement tous les jours, même en sandwich. Au Québec, la baguette est plus un accompagnement pour le bon souper du samedi soir. Ici, le pain de ménage tranché, c’est plutôt lui qui a la ferveur populaire. »