À la fin des années quatre-vingt-dix, un certain Michael Schmouth, alors au service de Ville de La Pocatière, avait mobilisé les leaders régionaux dans une opération dont le but était d’assurer le développement d’un tourisme de mise en valeur de l’héritage du Kamouraska. Vingt-cinq ans plus tard, on peut dire : « Mission accomplie! »
L’héritage naturel, historique, agricole et culturel du Kamouraska attire de plus en plus de gens de partout dans le Québec et dans le monde. Qu’y découvrent-ils?
D’abord le fleuve, immense, rempli d’îles flottantes, avec de longues battures qui se découvrent à marée basse, et les montagnes mauves à l’horizon où le soleil se couche plus follement que partout ailleurs; le « chemin qui marche », disaient les Autochtones, chemin de l’eau qui vient du centre de l’Amérique, et chemin des habitants de ce pays, du canot d’écorce aux voitures d’eau, jusqu’aux pétroliers géants d’aujourd’hui.
Le fleuve est partout au Kamouraska. Nulle part ailleurs peut-on le côtoyer aussi facilement, manger sur une terrasse au bruit de ses vagues, sentir son odeur, ses églantiers, ses marées, ses humeurs, rêver d’aventure sur ses quais, ses îles et ses cabourons rocheux, marcher sur ses plages, ses battures, ses marais salants, qui servent à la fois de filtre pour le fleuve et de pouponnière pour les animaux aquatiques, et où les outardes et les oies des neiges font escale au printemps et à l’automne, attirés par les herbes marines.
Le pays est un immense belvédère sur le fleuve et les montagnes de Charlevoix; un pays doux, apaisant, éloquent, une sorte d’amphithéâtre formé de plateaux progressifs quadrillés par les champs cultivés, parsemé de villages nichés au creux de ces étranges cabourons isolés qui jadis étaient des îles. Pays des Amérindiens depuis la nuit des temps, pays des Français d’Amérique depuis trois siècles et demi de « paysement ». Pays de pêcheurs et surtout d’agriculteurs, plus tard de tanneurs, de commerçants et de forestiers.
Les champs verts, jaunes et or, alignés sur le fleuve, nous rappellent que le Kamouraska a été et est encore une des belles régions qui nourrissent le Québec. L’herbe salée des battures donnait autrefois un goût unique à son beurre et à son agneau.
Aujourd’hui, on y admire les champs jaunes de canola qu’on vend aux Chinois! Les vieilles granges et les vieux bâtiments de ferme, cachés dans les broussailles, témoignent de la vie autosuffisante de nos ancêtres dans ce pays de neige, où il fallait entreposer le foin et le grain pour nourrir les animaux pendant sept mois d’hiver (de novembre à juin) : la grange québécoise, à combe pointue, octogonale, à mansardes ou à coyaux, avec son pont en surplomb, est un bâtiment unique au monde.
Et au Kamouraska, il y a bien sûr ces vieilles maisons de bois à toit incurvé (coyaux), d’inspiration chinoise, qui témoignent d’une bourgeoisie locale (les Chapais, Taché, Dionne, Casgrain, Chalout, Plourde, Campbell) et des riches villégiateurs de l’époque.
Des curés, comme les curés Hébert, Quertier, Painchaud, Proulx, Chiniquy l’apostat, y ont aussi laissé leur héritage, de belles petites églises de pierre, des écoles spécialisées, des croix de la tempérance, des calvaires, comme celui de Saint-Germain, pour inciter les ivrognes à la tempérance, des architectures ambitieuses comme le Collège à La Pocatière.
C’est cet héritage que nous devons offrir aux visiteurs, plutôt que de ridicules souvenirs made in China, après l’avoir redécouvert nous-mêmes, car il est souvent caché au fond des tiroirs : notre fleuve, nos îles, nos cabourons, nos maisons, nos villas, nos granges, nos quais, nos villages, nos artisans, nos maraîchers, nos microbrasseurs, nos cuisiniers, nos peintres, nos arbres centenaires. Le patrimoine, c’est l’héritage, l’âme et la mémoire du territoire que nous habitons, l’album qui nous rend fiers et heureux d’être ce que nous sommes, et nous donne le goût de vivre encore longtemps et toujours plus. L’héritage, ce sont aussi tous ces jeunes venus de partout au Québec, qui choisissent de vivre ici et de prendre le relais.
Bonnes vacances à tous!