Devenir fermier de famille… et le rester

Clotilde Paulin et Raphaël Hébert devant une portion du Jardin À tout vent. Photo : Éliane Vincent

On en parle comme des paniers de légumes, et ils nous sont de plus en plus familiers. Ceux qui remplissent ces paniers sont en fait des fermières et des fermiers engagés dans l’agriculture de proximité, et dans leur communauté.

Clotilde Paulin, des Jardins À tout vent, et Raphaël Hébert, de La Pagaille, coopérative paysanne, tous deux de Saint-Germain-de-Kamouraska, ont accepté de partager avec les lecteurs du Placoteux leurs vies de fermiers de famille.

Le concept d’agriculture soutenue par la communauté, implanté au Québec par Équiterre en 1996, implique un engagement entre un agriculteur et une famille amatrice de légumes frais. Le fermier s’engage à nourrir la famille tout l’été, et la famille accepte d’acheter à l’avance la récolte, pour assurer au fermier un revenu plus stable. Ça vaut aussi pour les fermières, bien sûr.

C’est ce modèle que Clotilde Paulin et Gabrielle Lorrain avaient en tête lorsqu’elles ont créé les Jardins du baluchon en 2010. Sur une terre louée à Saint-Pacôme au sommet de la Côte-des-Chats, elles ont fait leurs premières armes dans l’art de nourrir leur communauté selon les principes de l’agriculture biologique sur petite surface prônés par Jean-Martin Fortier.

De Saint-Pacôme, les jardins ont ensuite migré à Saint-Pascal, pour finalement se poser à Saint-Germain et y rester. Avec ou sans associés, Clotilde a poursuivi son rêve. Depuis 2017, elle est la propriétaire unique de ce qui se nomme maintenant le Jardin À tout vent, où elle cultive sur un tiers d’hectare assez de légumes pour contenter les 45 familles qui comptent sur elle chaque semaine, bonifiant le contenu de ses paniers grâce à des échanges de cultures avec quelques partenaires.

Au cours des treize dernières années, Clotilde a nourri des centaines de personnes, construit une grange, l’a transformée en maison, a pris une année sabbatique, et a monté un kiosque libre-service avec sa complice Jacinthe Briand-Racine, au cœur du village de Saint-Germain. Tout ça, en ne perdant jamais de vue les valeurs qui lui font encore rêver de changer le monde, un légume à la fois.

La coopération comme modèle

Pour Raphaël Hébert, le parcours a été différent. Il a d’abord été illustrateur, avant d’attraper la piqûre de l’agriculture maraîchère lors d’un projet étudiant en Montérégie en 2018 avec sa sœur Florence, sa copine Camille, son cousin Benoît et sa cousine Élise. « On voulait voir comment c’était de travailler en famille, en gang », se souvient Raphaël.

L’expérience est positive, mais le prix des terres et l’agriculture industrielle généralisée dans cette région les poussent à sillonner le Québec pour trouver un endroit où ils pourraient implanter une coopérative maraîchère correspondant à leurs valeurs. Place aux jeunes leur présente le Bas-Saint-Laurent, et c’est le coup de foudre pour la chaleur humaine qui amplifie la beauté des paysages.

Sur une parcelle de 3000 m2 louée sur une terre de Saint-Germain, ils ont lancé La Pagaille en 2022. Ils y ont installé leur jardin de légumes, des serres froides et une serre hors gel (maintenue à quelques degrés au-dessus de zéro) pour les légumes d’hiver, et quelques planches de champignons dans le boisé. À l’aube de leur deuxième année d’opération, la coopérative compte 61 familles partenaires, et si l’apprentissage de la vie en coop est souvent riche en émotions, Raphaël reste convaincu d’avoir fait le bon choix, et d’être un fermier de famille pour encore longtemps.