Qu’il est difficile d’être politicien par les temps qui courent! Il semble impossible de bien faire. Naviguer à travers le bien commun est un exercice risqué, et les docteurs en toute ont vite fait de démontrer, sophismes et raisonnements primaires à l’appui, « qu’on serait donc ben mieux de [insérerez ici la solution rapide et bancale de votre choix] à’ place ».
Les réseaux sociaux sont une tribune formidable pour les docteurs en toute, et du haut de leur Assemblée nationale ou de leur Chambre des communes, nos braves gouvernants sont comme des girouettes dont le nord change de direction au gré des opinions publiques.
S’il est une chose que l’ensemble du peuple, docteur ou pas, est unanime à décrier, c’est bien la fiscalité. Peu importe le taux d’imposition, on paie toujours trop d’impôt, trop de taxes, trop de frais. Les Québécois sont les plus taxés au monde, tout le monde sait ça. Est-ce vrai, n’est-ce pas vrai? La réponse à cette question a peu d’importance : l’important est de le répéter assez longtemps et le citoyen en sera convaincu.
Et on le répète.
Mais ça sert à quoi, déjà?
Ce qu’on ne répète jamais, par contre, c’est à quoi ça sert de payer de l’impôt. Pourquoi on fait ça? Il n’existe pas de balado pour expliquer qu’il faut se mettre ensemble pour payer ce qu’on ne peut pas se payer tout seuls. Que l’impôt, c’est la toute première forme de sociofinancement, bien avant La Ruche ou Gofundme.
J’aimerais des ateliers de formation citoyenne qui expliqueraient que pour faire valoir nos droits — droit à l’éducation, à la santé, à la dignité, alouette —, il faut que nous mettions en commun assez d’argent pour se les payer. Partout dans le monde, on peut trouver la preuve que de laisser le marché s’occuper des humains est une excellente source de pauvreté pour la majeure partie d’entre eux. Les pays les plus heureux ne sont pas les moins taxés1.
Pour mieux répartir la richesse générée par notre activité économique collective, l’intervention de l’État est essentielle. Et si, chez nous, c’est d’abord pour financer la guerre qu’on a instauré l’impôt sur le revenu, on a vite compris l’intérêt de ce système, et tous les paliers de gouvernement l’ont adopté avec enthousiasme. Son grand avantage consiste dans l’équité : chacun paie selon son revenu, des plus pauvres qui ne paient rien du tout jusqu’aux plus privilégiés au sommet de l’échelle d’imposition.
Dans l’absolu, c’est parfait, juste et équitable.
Dans la pratique, ben, c’est géré par des humains.
Ça donne des trucs bizarres, comme des gouvernements qui trouvent plus important de financer la production de pétrole, de ciment ou de batteries que de s’assurer que chaque citoyen puisse trouver un logement, un médecin ou un service de garde quand il en a besoin.
Parfois, la déconnexion est si totale qu’on utilise l’argent qui devrait servir aux plus pauvres d’entre nous pour payer un match de hockey aux plus riches. Si totale, la déconnexion, que le ministre n’en a même pas honte, et le joueur de hockey non plus.
Mais tout ça ne change rien au fait que le principe reste valable : c’est ensemble qu’on peut le mieux prendre soin de tout le monde. Et pour que ça fonctionne, il faut que tout le monde comprenne le principe. J’en reviens donc à mon idée : j’aimerais des ateliers, des formations, des capsules vidéo, des balados, des documentaires, des programmes scolaires qui expliqueraient aux citoyens, dès leur plus jeune âge, pourquoi on paie des impôts.
J’aimerais qu’on l’explique souvent, qu’on le rappelle à chaque occasion qui se présente. J’aimerais aussi qu’on nous montre chaque année comment on a appliqué le principe, où est allé l’argent qu’on a récolté, parce que c’est en voyant les résultats qu’on peut l’accepter, ce fichu principe.
Et surtout, surtout, j’aimerais que chaque élu, chaque fonctionnaire, du haut de l’échelle politique jusqu’au bas de l’organigramme, reçoive ces formations plusieurs fois par année, pour enfin comprendre, et ne jamais oublier, quel est le devoir d’un administrateur du bien commun.
L’objectif d’une société est d’assurer le bien-être de ses membres. De tous ses membres. Pas juste ceux qui chassent le faisan ou qui jouent au hockey.
Deux listes pour comparer le bonheur et le taux d’imposition : https://www.forbes.fr/classements/rapport-sur-le-bonheur-dans-le-monde-quels-sont-les-20-pays-ou-lon-vit-le-plus-heureux/ et https://www.cnews.fr/monde/2023-05-22/voici-les-15-pays-qui-paient-le-plus-dimpots-dans-le-monde-1357149