Faire usage des champignons dans la revalorisation des textiles

Kawina Robichaud et Élodie Fortin tiennent les boules de Noël créées à partir de champignons et de fibres de textiles déchiquetées. Photo : Maxime Paradis

Et si les champignons étaient la clé de la revalorisation des matières textiles? Loin d’être saugrenue, cette idée est à l’origine d’un projet de recherche mené conjointement par Biopterre et par l’Atelier du Partage, et dont les résultats préliminaires laissent entrevoir des possibilités intéressantes afin d’offrir une seconde vie aux textiles destinés à l’enfouissement.

Depuis le début de décembre, lorsqu’on entre à l’Atelier du Partage de Saint-Pascal, les clients peuvent contempler un petit sapin de Noël décoré de boules à l’apparence inhabituelle. Ce qui en temps normal pourrait passer pour des décorations fabriquées par des enfants dans un atelier de bricolage est dans les faits beaucoup plus complexe. Confectionnées à 90 % de fibres textiles déchiquetées, ces boules de Noël arrivent à maintenir leur apparence ronde grâce au pouvoir du mycélium, communément appelé blanc de champignon, qui a aggloméré le tout dans un moule de plastique, en l’espace de deux à trois semaines.

« Une boule comme celle-là comprend environ 40 grammes de matières textiles », résume Élodie Fortin, chargée de projet à l’Atelier du Partage.

Ces premiers essais concluants sont le fruit d’un partenariat développé entre Biopterre et l’Atelier du Partage, qui mènent un projet de recherche sur la revalorisation des textiles en fin de vie.

Soutenu financièrement à hauteur de 120 000 $ par la MRC de Kamouraska et par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ce projet doit trouver des débouchés de revalorisation pour l’équivalent de 26 tonnes de textiles en fin de vie reçus annuellement à l’Atelier du Partage, et dont l’enfouissement serait en temps normal la seule issue.

« On reçoit 42 tonnes de vêtements par année. On réussit à en revendre 34 %. Sur les 66 % restants, seulement 4 % pourront être revalorisés par nos différents partenaires. Le reste, il va aux poubelles », explique la chargée de projet.

À l’échelle bas-laurentienne, où environ 1407 tonnes de tissu sont rejetées chaque année, l’empreinte écologique des 26 tonnes de textiles en fin de vie de l’Atelier du Partage semble être une goutte d’eau dans l’océan.

L’organisme prend néanmoins la chose au sérieux, et Biopterre est de toute évidence le partenaire de choix pour trouver des solutions au problème, le centre de recherche ayant déjà travaillé sur cet enjeu dans le passé.

« Les essais qui avaient déjà été effectués permettaient la réutilisation de seulement 30 % des textiles. À 90 % pour nos boules de Noël, déjà, il y a une avancée spectaculaire que nous avons effectuée en peu de temps », poursuit Kawina Robichaud, biologiste spécialisée en bioremédiation des sols contaminés chez Biopterre.

Prochaines étapes

En cours depuis seulement juin dernier, le projet de recherche de l’Atelier du Partage et de Biopterre ne compte pas s’arrêter là, d’autant plus que le financement se poursuit jusqu’en mars 2025.

Élodie et Kawina ambitionnent maintenant développer un prototype beaucoup plus gros selon la même formulation développée pour les boules de Noël, soit 90 % de fibres textiles déchiquetées pour 10 % d’autres intrants comme le mycélium.

L’objectif n’est pas de créer quelque chose qui n’existe pas, mais de développer un objet qui pourrait en remplacer un autre qui d’ordinaire nécessite l’utilisation de nouvelles ressources.

« Ce qui serait développé pourrait dans le futur être vendu par l’Atelier du Partage, ou par une autre entreprise », suggère la biologiste.

Un autre espoir réside aussi dans la capacité des enzymes des champignons à dégrader les molécules organiques comme certains pesticides, certains produits chimiques, ou encore certaines teintures utilisés par l’industrie du textile. À la toute fin du projet, des tissus bruts, et d’autres ayant servi au développement des mycomatériaux comme les boules de Noël seront évalués distinctement en fonction de leur capacité à se composter.

« Pour les mycomatériaux, c’est sûr qu’il va rester du plastique ou du tissu, mais si on s’aperçoit qu’on a été en mesure de rendre la matière beaucoup plus digeste en fin de vie, ne serait-ce que cela, ce sera une avancée substantielle du projet de recherche », conclut Kawina Robichaud.