Mais diantre, qu’arrive-t-il à la Coalition avenir Québec qui vient de perdre deux de ses élus en moins de deux semaines? L’été s’était pourtant bien déroulé pour la formation de François Legault, puisque celle-ci s’était stabilisée dans les sondages, ayant même monté de cinq points pour ce qui est de la satisfaction de la population à son endroit. Pourtant, après avoir perdu son superministre Pierre Fitzgibbon, voilà que le député de Saint-Jérôme Youri Chassin claque la porte de la CAQ afin de siéger comme indépendant.
Même si François Legault affirme que les troupes caquistes demeurent unies, et qu’avoir uniquement quatre députés démissionnaires en près de six années de règne n’est pas si mal, le premier ministre devrait tout de même se rappeler qu’en politique, tout ou presque demeure une question de perception, et que dans le cas présent, perdre un ténor de son gouvernement ainsi qu’un autre député d’importance, représentant l’aile droite économique du parti, et ce, dans un délai aussi court n’augure rien bon pour la suite des événements.
La perception
La perte rapide de plusieurs députés pourrait être perçue comme un signe d’instabilité ou de crise au sein de la CAQ. En effet, les électeurs pourraient ainsi interpréter cette situation comme un indicateur que le leadership du parti est défaillant, ou que le parti traverse une période de turbulences internes, de sorte qu’inéluctablement, cette situation pourrait affaiblir la crédibilité et la confiance du public envers la Coalition avenir Québec, ce qui se solderait forcément par une baisse de la cote de popularité d’un gouvernement déjà malmené depuis près d’un an par diverses crises politiques, par une économie au ralenti, ainsi que par une inflation galopante ayant provoqué une augmentation drastique du coût de la vie.
Qui plus est, il ne faut pas oublier que la CAQ est une coalition de souverainistes, de fédéralistes et d’anciens adéquistes. Ce qui implique que si le leadership faiblit et qu’il y a des départs, cela pourrait en provoquer d’autres, avec des jeux politiques internes où les couteaux pourraient voler assez bas, merci… La CAQ pourra-t-elle renverser la vapeur?
Qui blâmer?
Certes, l’économie en Occident n’est pas au sommet de sa forme, et le gouvernement caquiste ne peut être blâmé pour l’ensemble de la situation. Néanmoins, force est de constater que certaines décisions prises par Québec sont loin de faire l’unanimité. Même que pour certaines, avouons-le, elles n’ont pas apporté les résultats escomptés.
N’oublions pas qu’avant de se faire élire en 2018, la CAQ obtenait son pain et son beurre, dans la région de Québec et de Chaudière-Appalaches, en faisant l’apologie d’un état plus mince et plus efficace, avec un gouvernement de l’économie qui ferait davantage rayonner le Québec en laissant tomber la puérile dichotomie souverainiste/fédéraliste. C’était en somme le parti du renouveau, de la bonne entente, qui allait développer le Québec avec de bonnes finances publiques et un État efficace, tout en voyant grand pour les Québécois.
Pourtant, à la lumière des propos du député démissionnaire du caucus caquiste, Youri Chassin, le bilan des six années au pouvoir du gouvernement de François Legault n’est pas à la hauteur de ce qu’il s’était fait promettre. « Nous avons appliqué la vieille recette qui consiste à jeter de l’argent sur les problèmes, plutôt que de chercher à faire les choses différemment […] que l’on parle d’éducation, du logement, des urgences, des tribunaux, des garderies et j’en passe, les citoyens parmi les plus taxés en Amérique du Nord peinent à recevoir les services quand ils en ont besoin », a-t-il récemment déclaré en conférence de presse.
Les promesses brisées
Plusieurs engagements de la CAQ ont fini dans le tiroir à oubli. En voici quelques-uns : La Coalition avenir Québec promettait de réduire de 5000 le nombre d’employés dans la fonction publique, mais elle l’a plutôt bonifié de plus de 10 000, avec une augmentation totale de 72 800 employés pour l’ensemble de l’État québécois. Elle promettait d’équilibrer le budget, alors qu’elle a présenté le pire déficit de l’histoire du Québec avec 11 milliards $. Elle promettait de faire du Québec la Norvège d’Amérique avec l’exploitation du gaz naturel, alors qu’elle a adopté une loi pour en interdire toute forme d’exploitation. Elle disait qu’elle allait améliorer les services d’éducation, de santé et de garderie, alors que les services n’ont jamais été aussi mauvais. Elle promettait de combattre les taxes orange, alors qu’elle a donné le droit aux villes d’augmenter la taxe sur l’immatriculation, parfois de 200 % ou de 400 %.
Elle promettait également de défendre les automobilistes contre la guerre à l’auto, alors qu’elle interdit graduellement la vente de véhicules hybrides et à essence. On pourrait aussi parler de sa promesse phare du troisième lien qui, abandonnée en cours de deuxième mandat, a été miraculeusement ressuscitée à la suite de la cuisante défaite de la CAQ dans la partielle de Jean-Talon.
Les investissements risqués, dont Northvolt, Lion Électrique, Flying Whales, Taiga et le Panier bleu, pour ne nommer que ces exemples, sans compter le demi-milliard et plus perdu dans le système informatique SaaqClic, et le 400 M$ investit récemment dans la production des avions A220 d’Airbus, alors qu’au même moment, localement, on refuse de bonifier l’offre de Québec pour la réfection de la piscine du Cégep, sous prétexte que le gouvernement n’a plus les moyens, en laisse par ailleurs plusieurs pantois…
Maintenant, la question se pose : feriez-vous confiance au vendeur de véhicules qui vous promettait une automobile fiable à coût abordable, alors que vous êtes toujours au garage avec, et qu’elle vous coûte les yeux de la tête avec son lot de problèmes, pour finalement accepter que le même vendeur vous en offre une autre avec les mêmes promesses de fiabilité?
Il s’agit ici d’une question de crédibilité, à moins que la population québécoise n’ait qu’une mémoire sélective, même si sa devise est Je me souviens.