« Lâche ton cell! » Ces mots sont souvent prononcés par des parents qui, ironiquement, ont eux-mêmes les yeux rivés sur leur écran. Cette situation met en lumière une réalité moderne : les parents sont parfois eux-mêmes des exemples contradictoires pour leurs enfants en matière d’utilisation des technologies.
Annie-Claude Simard, agente de prévention à La Montée de Rivière-Ouelle — organisme communautaire qui aide et soutient depuis près de 30 ans les personnes vivant avec un problème de dépendance —, observe quotidiennement les effets de cette dynamique familiale. « Nous vivons dans une société hyperconnectée, où l’accès à Internet est quasi permanent grâce aux téléphones intelligents. Cet accès constant peut entraîner une utilisation fréquente et parfois impulsive des applications, incluant les réseaux sociaux, sans pour autant parler de dépendance au sens clinique du terme », explique-t-elle, précisant qu’une personne hyperconnectée n’est pas forcément dépendante, mais est plus à risque de développer une utilisation problématique d’Internet.
Cette situation, selon elle, influence non seulement les comportements des jeunes, mais aussi ceux des adultes. L’Institut de la statistique du Québec confirme que les téléphones intelligents sont devenus une partie intégrante de la vie quotidienne. En effet, 98,3 % des personnes âgées de 15 à 34 ans utilisent un téléphone intelligent, et un nombre presque identique chez les 35 à 44 ans (97,8 %), qui diminue légèrement à 95,6 % chez les 45 à 54 ans. Au-delà de 75 ans, l’adoption de cette technologie chute à 53 %.
Les impacts sur la santé mentale
Une étude de Statistique Canada, publiée en janvier 2024, met en lumière les liens entre l’utilisation accrue des téléphones intelligents, la santé mentale et les relations interpersonnelles. Environ 22 % des Canadiens interrogés ont déclaré que leurs activités en ligne leur causent de l’anxiété, de la dépression, ou un sentiment de comparaison défavorable à la vie des autres. Ces émotions sont particulièrement fréquentes chez les jeunes, qui passent de plus en plus de temps sur les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.
Les données confirment que les personnes qui passent plus de 20 heures par semaine en ligne sont beaucoup moins susceptibles de déclarer une excellente ou très bonne santé mentale, par rapport à celles qui limitent leur temps d’écran.
Le rôle des parents
Les parents jouent un rôle central dans la gestion de l’utilisation des téléphones intelligents par leurs enfants. « Si un parent est constamment sur son téléphone, il est difficile pour l’enfant de comprendre pourquoi lui-même devrait limiter son temps d’écran. Les parents doivent être conscients de l’exemple qu’ils donnent », explique Mme Simard.
L’étude de Statistique Canada souligne par ailleurs que l’encadrement parental est souvent plus efficace lorsqu’il s’accompagne de discussions ouvertes et sans jugement, non dans une optique de contrôle, mais de compréhension des enjeux et des préoccupations des jeunes. Les parents doivent aussi montrer l’exemple en se déconnectant eux-mêmes de temps à autre.
« Nous devons montrer à nos enfants qu’il est possible de passer du temps de qualité en famille, sans être constamment dérangé par les notifications et les réseaux sociaux. Cela peut sembler banal, mais c’est essentiel pour encourager un usage sain des technologies », conclut Mme Simard, qui évoque l’importance d’une réflexion collective.
« La responsabilité de l’encadrement des jeunes ne repose pas uniquement sur les épaules des parents. Les écoles, les organismes communautaires, et les professionnels de la santé mentale doivent également participer à cette réflexion. » Pour cette raison, La Montée participe activement à des initiatives dans les écoles secondaires de la région pour sensibiliser les jeunes aux risques liés à l’hyperconnectivité, et les encourager à développer un esprit critique face aux technologies.