La vocation du service aux citoyens

Mireille Thibault au Centre d’aide aux entreprises de Montmagny-L’Islet. Photo : José Soucy

La directrice générale du Centre d’aide aux entreprises de Montmagny-L’Islet, Mireille Thibault, est perçue par plusieurs comme étant une femme de rigueur possédant de la drive tout en étant déterminée. Pour d’autres, elle est vue comme une femme intransigeante, rigide, voire même intimidante. Pourtant, malgré ces perceptions largement répandues en Côte-du-Sud, se cache une femme de cœur, sensible, qui a fait de sa vie une œuvre au service des citoyens de la région. À plus de 40 ans de vie professionnelle, Le Placoteux a souhaité dresser un portrait de cette dame qui, pendant toute sa carrière dans la sphère publique et politique, a fait la différence dans plusieurs centaines de cas, si ce n’est pas des milliers.

La jeunesse de Mireille Thibault n’a pas été un conte de fées. Fille d’agriculteur d’une famille de huit enfants de Montmagny, elle vivra malgré elle deux drames qui marqueront sa vie à jamais. « Ma mère, parce qu’elle souffrait du diabète, a perdu ma sœur lorsqu’elle est née, alors que mon frère plus vieux, à l’âge de cinq ans, a été accidentellement happé par une voiture, provoquant un traumatisme crânien avec des séquelles permanentes. À cette époque, l’assurance maladie n’existait pas, de sorte que mon père a dû hypothéquer tout ce qu’il possédait afin de soigner mon frère. Heureusement que nous avions une terre, ce qui nous a permis de ne pas manquer de nourriture. Par contre, pour ce qui est du reste, ça n’a pas été facile, et la pauvreté est ainsi devenue omniprésente à la maison », déclare-t-elle.

Malgré cette situation malheureuse, sa famille, qui était très catholique — comme la plupart des familles québécoises de l’époque —, a su se relever, mais ce segment de sa vie n’a pas été de tout repos.

« Ces événements nous ont quand même donné des forces, ce qui a solidifié la famille. Cela m’a également apporté beaucoup de valeurs qui m’ont servi dans la vie, dont l’entraide, la valeur du travail et de l’argent, ainsi que la solidarité familiale et le partage. Je dois avouer que j’ai même appris à dire le mot travail avant de dire maman. Mon père disait d’ailleurs : ris vendredi, tu pleureras le dimanche », raconte-t-elle en se remémorant des journées entières à travailler aux champs.

Se battre contre les injustices

Son frère, vivant avec un handicap, a vécu beaucoup de violence et d’intimidation à l’école puisqu’à cette époque, il n’y avait pas de classe spéciale pour cette clientèle. « Ils avaient placé mon frère à la même école que moi afin que je puisse m’en occuper, ce qui m’a appris en très bas âge le sens des responsabilités. Malheureusement, à maintes reprises, j’ai dû sortir mon frère d’attroupements violents, car il se faisait battre en raison de sa différence. Il était un souffre-douleur. Je devais ensuite le soigner, car il saignait beaucoup. Je me souviens que j’ai énormément pleuré », ajoute-t-elle avec un trémolo dans la voix.

La première à aller au cégep

Étant une première de classe tout le long de son parcours au primaire et au secondaire, la jeune Mireille Thibault sera la première dans sa famille à aller au cégep. Toutefois, en raison des nombreuses injustices dont elle a été témoin dans sa jeunesse, elle souhaitait se diriger en technique policière. Elle n’y sera toutefois pas acceptée, puisqu’elle portait déjà des lunettes et qu’elle n’était pas assez grande. Le conseiller en orientation la dirigea donc vers le secrétariat de direction au cégep, ce qui lui donna les bases pour ses prochains défis professionnels.

Par la suite, elle s’inscrivit en droit à l’université, à une époque où l’admission était très contingentée. « Je m’apprêtais à débuter l’université quand le directeur de mon emploi d’été chez Desjardins, André Fortin, est venu me voir pour que je passe une entrevue comme secrétaire de direction chez les Groupes de coopératives de travailleurs. J’ai finalement obtenu le poste, et j’ai annulé mes cours à l’université. J’ai vraiment suivi mon intuition et je ne l’ai pas regretté », dit-elle, avant d’ajouter que « la vie met les événements sur ma route pour que j’apprenne ou bien pour que je grandisse, mais, de toute façon, je vais grandir », philosophe-t-elle.

L’attrait pour la politique

Au début des années 70, le premier ministre du Canada Pierre-Elliot Trudeau est de passage dans le sous-sol de l’église Saint-Thomas à Montmagny, où près de 1200 personnes sont rassemblées.

« Je me souviens de m’être cachée dans les toilettes pour tenter de m’enfuir de l’école, pour aller rencontrer le premier ministre, mais force est de constater que je n’ai pas eu le courage de m’y rendre, puisque je ne pouvais pas, en mon âme et conscience, déroger des règles », se rappelle-t-elle en souriant.

Qu’à cela tienne, en 1984, à l’âge de 21 ans et en raison de liens avec le principal intéressé, elle participa activement à l’élection du progressiste-conservateur Pierre Blais dans la circonscription fédérale de Bellechasse. Lorsque celui-ci fut nommé ministre, elle entra à temps plein pour ce dernier. Il la fera par ailleurs sortir de sa zone de confort.

« Avec Pierre Blais, même si tu faisais une erreur, il allait t’aider afin que celle-ci devienne une expérience positive. Il faisait ça de façon innée! C’était aussi un homme qui était infatigable. Mon patron a été un mentor pour moi. Je me souviens que lorsque j’ai été avec lui au 24, Sussex à Ottawa, à la résidence de Brian Mulroney, j’étais extrêmement nerveuse et intimidée. Pierre, voyant cela, m’a prise à part, m’a tenue par les épaules tout en me regardant dans les yeux, et m’a dit « le seul pouvoir que l’autre a sur toi, c’est celui que tu lui donnes. En passant, Brian Mulroney, ce matin, avait les culottes à terre en étant sur les toilettes! » Je te jure qu’à partir de ce moment-là, dans ma vie, peu importe qui j’avais en face de moi, je me souvenais de ces paroles de sagesse. Ce sont les cadeaux que m’a donnés cet homme-là. »

Malheureusement pour elle, Pierre Blais sera battu en 1993 par la vague bloquiste, et le Parti progressiste conservateur de Kim Cambell sera pratiquement balayé de la carte électorale.

Le retour

Après la campagne de 1997, où le PPCC sera battu de nouveau, Mireille Thibault fera son grand retour en politique en 2003, mais cette fois-ci avec le libéral Norbert Morin sur la scène provinciale. Bien que ce dernier ait été défait en 2007, il sera réélu en 2008. Pendant toutes ces années, Mireille Thibault optimisera ses qualités inhérentes au travail en politique, tout en se créant un réseau de contacts qui l’aidera par la suite à soutenir Norbert Morin dans plusieurs dossiers, dont le nouveau palais de justice de Montmagny, l’agrandissement de l’urgence et l’arrivée de l’IRM et de l’hémodialyse à Montmagny, la Maison d’entraide l’Arc-en-ciel, l’Édifice Claude Béchard à Saint-Pascal, le bureau touristique à La Pocatière, le gaz naturel, la Maison d’Hélène, etc. Toutefois, en 2018, Norbert Morin ayant annoncé son départ, elle prend la décision de quitter définitivement la politique provinciale. Elle sera élue conseillère à la Ville de Montmagny en 2021.

Même si à son arrivée en politique active, Mireille Thibault s’était dit qu’elle se présenterait un jour afin de devenir députée, aujourd’hui elle ne souhaite plus relever ce type de défi. Il faut tout de même dire qu’elle a continué de travailler pour les citoyens par l’entremise de la Chambre de commerce et d’industrie de la MRC de Montmagny, pour ensuite continuer son œuvre pour le CAE de Montmagny-L’Islet, où son expérience politique remarquable a joué favorablement pour le développement et le lancement de plusieurs PME de la région.

Consciente qu’elle a travaillé majoritairement dans un monde d’hommes durant une bonne partie de sa carrière, Mireille Thibault estime néanmoins que ce sont ces derniers qui l’ont poussée à se dépasser. « Pierre Blais, André Fortin, Norbert Morin, Frédéric Corriveau et Normand Gauvin m’ont épaulée tout le long de mon parcours. J’ai eu la chance d’avoir d’excellents mentors », conclut-elle avec reconnaissance.