Sans que je sache trop pourquoi, mon sommeil est passé du jour au lendemain du mode DJ de fin de party à vieil homme qui écoute la météo à 5 h du matin pour savoir s’il va pouvoir étendre son linge.
C’est grave. Du moins en ce qui me concerne. Parce que dès l’âge de 15 ans, j’étais un oiseau de nuit. Les discothèques fermaient à 3 h 30. Je sais, je n’avais pas le droit d’y être. On poussait la soirée avec une poutine et un burger, puis dodo vers 5 h, avec le lever du soleil. Le réveil, c’était un autre concept. J’émergeais du néant autour de 14 h, un peu magané, prêt à repartir pour un autre marathon de musique trop forte.
Même en semaine. J’entends encore ma mère me crier du lundi au vendredi : « Marc, y est 8 h 20 ». L’autobus passait à 8 h 30. Si on le manquait, il revenait sur ses pas 10 minutes après, donc possibilité de dodo supplémentaire. Merci à mon père qui venait me conduire à l’école plus souvent qu’autrement.
J’ai toujours été un couche-tard professionnel. Alors imaginez quand, à l’époque où j’étais une star de la radio, on m’a offert d’animer… l’émission du matin ! On s’attendait à ce que je crie de joie. J’ai plutôt ri nerveusement. On me demandait de commencer à 7 h. Oui oui, sept heures du matin ! Pas si pire ? Pas pour moi. Mais bon, je l’ai fait. Mais pas longtemps…
La première journée, j’étais là à 6 h 45, frais comme une toast pas beurrée. Puis 6 h 50. Puis 55. Puis pile. Et j’ai découvert que les quatre minutes du bulletin de nouvelles réseau me permettaient de dormir quelques minutes de plus. Une vraie révolution dans mon horaire.
C’était jusqu’au jour où c’était plus souvent Normand Brathwaite, en ondes à Montréal, qui ouvrait le show à ma place. Avant que mon humble personne daigne se présenter, la station diffusait le réseau. Normand ne savait pas que grâce à moi, il faisait de la radio régionale plus longtemps, par accident. Évidemment, ça n’a pas duré. Dieu est grand ! Et St-Pierre, à sa droite, vit que cela était bon.
Toujours est-il que…
Là, revirement de situation. J’ai les deux yeux grands ouverts à cinq heures du matin. Même la Pat Patrouille dort encore à cette heure-là. Bon, ma machine d’apnée du sommeil fait probablement une bonne job aussi. Je dors moins longtemps, mais plus efficacement. De là à être dehors à huit heures pour désherber mes dalles… Alors voilà. Je suis devenu ce que je redoutais : un lève-tôt.
Mais ne le dites surtout pas. Si on en venait à apprendre que je désherbe à l’aube en sifflant Des croissants de soleil de Ginette Reno, l’ancien moi reviendrait du passé pour me narguer avec un restant de frites sauce à quatre heures du matin, ce qui, évidemment, n’est maintenant plus possible sans la nuit blanche qui vient avec. Et honnêtement, je le laisserais faire. Parce qu’après, on irait prendre un café. Fort. Noir. Et on irait ensemble regarder le soleil se lever en se demandant lequel des deux a eu raison de ne pas dormir.