De Lévis à Gaspé, le Québec déroule son pays le plus doux et le moins défiguré par les grandes villes, les banlieusards et les grandes industries, non moins moderne pour autant. Nous en sommes les occupants pendant toute l’année, et les hôtes pendant les mois d’été : une sorte d’île d’Orléans de 550 kilomètres ! En sommes-nous conscients ?
De Lévis à Rivière-du-Loup, essentiellement des villages de plus de 300 ans, issus des anciennes seigneuries comme celle Philippe Aubert-de-Gaspé à Saint-Jean-Port-Joli, villages parmi les plus beaux et les mieux conservés du Québec, réputés pour leur agriculture, leurs jeunes maraîchers, leurs pêches à fascines, le commerce maritime, la villégiature et la structure de leurs paysages bien entretenus.
De Rivière-du-Loup à Matane, le pays s’est développé plus tard, au début du XIXe siècle, avec l’industrie forestière sous l’impulsion d’Alexandre Fraser et d’une colonie écossaise qui a laissé sa marque. Dans l’arrière-pays de Rimouski, ce sont surtout d’anciens villages forestiers, dont plusieurs ont d’ailleurs été fermés par le fameux (et infâme) BAEQ (Bureau d’aménagement de l’est du Québec, 1970). On se souvient des Opérations Dignité.
À Matane, on entre dans le pays traditionnel de la pêche à la morue, des villages côtiers au creux des superbes monts Notre-Dame et Chic-Chocs, qui furent longtemps redevables aux grands ports de pêche des Robin qui régnaient sur la Baie-des-Chaleurs. Gaspé était le centre mondial du commerce de la morue séchée salée. Ce fut aussi le pays d’adoption de beaucoup d’Acadiens, qui nous ont précédés dans le Golfe.
La langue et la culture de la mer
Le Fleuve est ici le personnage omniprésent, et c’est sans doute ce qui donne à ce pays sa douceur, sa beauté, sa culture et son ouverture sur le monde. Quand le Soleil se couche derrière les nuages, et que les montagnes de Charlevoix paraissent toutes proches (elles qui sont pourtant, à Kamouraska, à plus de 20 kilomètres), on sait qu’il pleuvra. Et le vent, dans cet immense corridor du fleuve, est aussi le grand visiteur, ou plutôt, ils sont plusieurs : le terrible vent de nord, le vent d’ouest qui souffle trois jours, le vent du « su » et le vent d’est, plus doux. Et ce n’est pas tout : il y a aussi le nordet, le noroît, le suroît et le suet. D’ailleurs, on ne survit pas sur la Côte-du-Sud sans les points cardinaux (réflexe sans doute de navigateurs) : étrangement, on indique la position et la direction de tout, même à l’intérieur des maisons, par les points cardinaux.
Et que dire du vocabulaire emprunté au Fleuve, qui s’appelle chez nous la Mer : la marée, la grande mer, le large, la grève, les marais, les mares à canards, la côte, l’anse, les battures, les islets, les caps, les cabourons, les aboiteaux, les chaloupes, les goélettes, les quais, les traverses, etc. Parce que les terres s’élèvent à partir du fleuve, les chemins d’entrée des maisons s’appellent des montées, et quand les « habitants » vont faire leur train, ils ne partent pas en voyage, ils vont à l’étable prendre soin de leurs animaux (au Lac-Saint-Jean, on dit « aller faire le ménage »). Aussi, les Bas-laurentiens ne se construisent pas, « ils se logent » : bien dit n’est-ce pas ? Je vous laisse aller en Gaspésie pour en découvrir des meilleures.
Tourisme Bas-Saint-Laurent a bien raison : ici, on prend le temps de vivre !