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C’est la fin pour la Coop de Mont-Carmel sous sa forme actuelle

La Coop de Mont-Carmel cessera ses activités sous sa forme actuelle. Photo : José Soucy

Jamin Lévesque n’en peut plus. Après plusieurs années de bénévolat et de gestion serrée, le président du conseil d’administration et gérant de la Coop de Mont-Carmel confirme l’arrêt des activités dans sa forme actuelle. Une ultime réunion a permis de repousser l’échéance de trois semaines, le temps d’explorer des solutions de relance, mais actuellement, selon lui, la situation est intenable.

Un processus de liquidation des inventaires a été amorcé, conformément au mandat confié à M. Lévesque par les membres lors de l’assemblée générale. Cette opération se déroulera dans les prochaines semaines, le temps de tout mettre en branle, avant l’arrêt complet prévu pour la semaine du 14 juillet.

« Présentement, la Coop n’est plus capable de générer assez de profits pour assurer sa pérennité. Celle-ci ne génère même pas suffisamment de revenus pour rémunérer un gérant. C’est moi, et je suis bénévole. Il est clair pour moi que sous sa forme actuelle, la Coop ne peut pas survivre. »

Gérer l’épicerie demande à M. Lévesque entre 20 et 25 heures par semaine. « Je ne suis plus capable. J’ai mis beaucoup de temps, d’énergie et même d’argent, mais aujourd’hui, je dois prioriser mes autres engagements. »

Le seul espoir réside désormais dans un groupe de citoyens qui a manifesté un intérêt pour reprendre une forme d’épicerie de proximité, sans forcément conserver la structure coopérative. « Je ne fais pas partie de ce plan, mais je vais animer la première rencontre pour aider à passer le flambeau. Toutes les possibilités sont sur la table. Ce que les gens veulent, c’est conserver un point de service alimentaire dans le village. »

Grande surprise

Lors de l’assemblée générale, la nouvelle de la fermeture a pris plusieurs membres par surprise. « Dans leur tête, ça allait bien. Les tablettes étaient pleines, il y avait de l’achalandage. Mais ils ne voyaient pas l’envers de la médaille », relate M. Lévesque. Beaucoup ignoraient même que le gérant travaillait bénévolement. « Ils pensaient que j’étais salarié. Plusieurs ont été surpris d’apprendre que j’avais un autre emploi. »

Depuis 2019, M. Lévesque dit s’être investi corps et âme pour relancer la coopérative. « Quand je suis arrivé, il n’y avait presque rien sur les tablettes. On vendait de l’air. C’était vide. On a eu un sursis de sept ans. On a vécu là-dessus. » Mais le contexte a changé : l’achat en ligne, la pandémie, la grève de Postes Canada et l’inflation galopante ont contribué à transformer les habitudes de consommation. « Aujourd’hui, c’est facile d’acheter une bébelle en Chine pour presque rien. Il faut vendre toujours plus, tout le temps, et pour moins cher. »

Les coûts de transport, de main-d’œuvre et d’approvisionnement rendent la gestion d’une épicerie locale particulièrement ardue. « Un producteur de fraises doit payer le diesel, les cueilleurs, les livreurs… Chaque maillon coûte plus cher. Le panier de fraises à w $ monte rapidement à 6,99 $. Ce n’est pas une question de salaires élevés, mais d’un système entier qui pèse sur les petites structures. Ce n’est pas avec un salaire minimum qu’on va faire baisser les coûts. »

Aucun regret

Malgré la fin annoncée, M. Lévesque ne regrette rien. « C’est une bonne école. On touche à tout : gestion, commandes, ressources humaines. J’ai fait ce que j’ai pu, dans mon pouvoir. Je suis déçu, mais en paix. » Aujourd’hui, il s’inquiète de la suite. « Trois employés à temps plein et quatre à temps partiel perdront leur emploi à la fermeture. Moi, j’étais un des premiers à faire mon épicerie ici. On faisait 100 % de nos achats dans le village. »

Selon lui, même si la population locale avait soutenu massivement la Coop à la suite de l’annonce d’une possible fermeture, cela n’aurait pas suffi à assurer sa viabilité à long terme. « Même si je vous dis d’acheter plus, ou qu’il y a plus de monde qui achète, ça va donner un boom pendant six mois, puis après ça, ça va être fini. On fait juste mettre un plaster sur le bobo, mais on ne guérit pas le bobo, résume-t-il. La majorité des gens sont déçus, mais ils comprennent. »

Pour l’instant, rien n’indique que la Coop, en tant qu’entité juridique, poursuivra ses activités. Une éventuelle relance pourrait s’appuyer sur un autre modèle, porté par une nouvelle équipe, avec une structure différente. « Ce qui est important, c’est qu’il y ait une offre de proximité, même si elle change de nom ou de forme », conclut M. Lévesque.

Une hécatombe

Une enquête récente menée par le Journal de Québec révélait qu’en moins de deux ans, pas moins de 550 dépanneurs et petites épiceries ont dû fermer leurs portes au Québec. C’est la hausse du coût de la vie qui est identifiée comme première cause. Tout monte, incluant évidemment les prix dans les dépanneurs et les petites épiceries, déjà en compétition avec les supermarchés. L’exemple du DEP de Saint-André-de-Kamouraska, fermé en 2024, est même cité.