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Quand le patrimoine est à l’abandon

Les maisons abandonnées sont attirantes pour les amateurs d’exploration urbaine. Photo : Éliane Vincent

Le patrimoine bâti du Kamouraska constitue un de ses attraits touristiques majeurs. Les maisons à larmier cintré, si caractéristiques du Doux pays, mais aussi les bâtiments agricoles, de même que les écoles de rang, les moulins et autres maisons patrimoniales forment la trame visuelle de la région, et on vient de loin pour les admirer. Mais que faire quand ces bâtiments sont abandonnés par leurs propriétaires ?

Une promenade sur les routes et dans les rangs du Kamouraska permet rapidement de constater la présence de bâtiments vacants et non entretenus depuis plus ou moins longtemps. Selon Jeanne Maguire, agente de développement culturel à la MRC de Kamouraska, malgré qu’il n’existe pas d’inventaire formel des bâtiments abandonnés, la majorité d’entre eux seraient récupérables.

Quand le propriétaire est un particulier, des règlements municipaux s’appliquent, mais les coûts de rénovation sont si élevés que même en étant de bonne foi, plusieurs propriétaires sont dans l’impossibilité d’effectuer les travaux. Il devient presque plus avantageux pour eux de laisser le bâtiment se dégrader jusqu’à ce que la seule solution soit sa démolition.

Lorsque le bâtiment a une valeur patrimoniale avérée, il arrive que la Municipalité où il est situé s’en porte acquéreur, avec l’objectif d’en assurer la préservation. Encore une fois, les coûts de restauration prohibitifs retardent souvent les projets, et les bâtiments se dégradent en attendant que les conditions de leur remise en état soient réunies.

À Saint-Pascal, ce qui reste du moulin Lavoie est dans cette situation. Non seulement le bâtiment est cité patrimonial, ce qui ajoute des contraintes à la rénovation, mais les coûts ayant explosé et les budgets disponibles étant limités, même les autorités municipales se retrouvent devant un cruel dilemme : préserver le patrimoine bâti, mais à quel prix ?

Vers une obligation d’entretien

D’ici avril 2026, les municipalités du Québec sont dans l’obligation d’adopter un règlement sur l’entretien et l’occupation des bâtiments. Celui-ci établira des normes visant à « empêcher le dépérissement des bâtiments, à les protéger contre les intempéries et à préserver l’intégrité de leur structure ». Chaque municipalité pourra déterminer si tous les bâtiments seront visés par le règlement, ou seulement ceux ayant été cités patrimoniaux.

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a confirmé au Placoteux que des programmes d’aide financière à l’entretien et à la restauration de biens patrimoniaux existent au ministère de la Culture et des Communications. Ces programmes epuvent être relayés par les MRC et les municipalités, et soutenir l’application du règlement .

Émilie Poulin, directrice générale par intérim à Saint-Pascal, confirme l’existence de tels programmes, « mais de là à reconstruire une maison patrimoniale au complet, il y a une marge ». Le problème reste donc essentiellement financier pour beaucoup de propriétaires.

Parfois, on assiste à une rénovation réussie, comme dans le cas de la maison Ouellet à Sainte-Hélène. Ces réussites confortent Jeanne Maguire dans sa conviction qu’il est primordial de « laisser une chance à la restauration, ne serait-ce que dans une perspective environnementale. N’oublions pas que le bâtiment le plus vert est celui qui est déjà construit ! Ce sont des joyaux de notre patrimoine qui méritent d’être conservés plutôt que démolis ».

Les bâtiments laissés à l’abandon suscitent depuis quelques années une inquiétude supplémentaire pour les autorités. La mode de l’exploration urbaine, ou urbex, pousse certaines personnes en mal de sensations fortes à s’introduire dans les édifices abandonnés pour ensuite raconter leurs « exploits » sur les réseaux sociaux.

Selon la Sûreté du Québec, cette mode n’est pas réservée aux zones urbaines. Au Kamouraska, quelques arrestations de personnes mineures ont déjà eu lieu en lien avec l’urbex. Selon Frédéric Deshaies, porte-parole de la SQ, c’est le rôle des policiers d’expulser les intrus, puisque l’introduction dans des résidences désaffectées constitue une infraction.

Si le phénomène est peu répandu chez nous, il constitue néanmoins un incitatif supplémentaire à améliorer la gestion des bâtiments abandonnés, donc les structures affaiblies constituent un risque sérieux pour la sécurité. Les médias rapportent trop souvent des cas de blessures — et malheureusement quelques décès — liés à cette activité.

Ce texte est une version mise à jour pour tenir compte des données fournies par le MAMH. Il diffère du texte paru dans les versions papier et à lire en ligne du Placoteux.

La maison Ouellet à Saint-Pascal, un exemple de restauration réussie. Photo : MRC de Kamouraska