Procès pour meurtre : La défense et la couronne présentent leurs théories

Les quatre avocats principaux, les deux de la défense (à gauche) et les deux de la couronne (à droite) au Palais de justice de Rivière-du-Loup. Photo : Stéphanie Gendron.

Au procès de Denis Picard, accusé du meurtre de Colette Émond de La Pocatière le 5 juin 2017, les avocats de la défense et de la couronne ont plaidé et présenté leurs théories devant les 14 jurés.

Rappelons d’abord que l’accusé a déclaré à son ex-conjointe et au policier qui l’a arrêté ce jour-là qu’il avait rencontré Colette Émond, 75 ans, à l’épicerie Métro de La Pocatière et qu’il aurait discuté de travaux de peinture impayés. Il se serait rendu à l’appartement de madame qui lui aurait dit qu’elle n’avait pas d’argent et qui se serait dévêtue, proposant de payer « en nature ». Picard aurait refusé et l’affaire aurait mal tourné. La dame de 75 ans est morte à la suite de plusieurs coups à la tête et au visage, probablement à l’aide d’un vase en verre qui contenait des fleurs de type pot-pourri. Rappelons que des admissions ont été faites par Picard, dont le fait d’avoir commis un acte illégal, acte illégal qui a causé la mort de Mme Émond.

Gros bon sens

Me Manon Gaudreault, de la couronne, a dit aux jurés que « le gros bon sens avait sa place ici ». Elle a rappelé aux jurés que l’ex-conjointe de Denis Picard avait raconté avoir vu le véhicule de celui-ci devant l’immeuble de Mme Émond en fin de journée, ce qui l’avait questionné. Lorsque Picard était revenu à la maison peu de temps après, il s’était rendu au jardin. Son ex-conjointe avait raconté l’avoir confronté, pensant qu’il lui était infidèle, et que ce dernier avait d’abord dit qu’il était allé chez BMR. La couronne se demande si Picard aurait raconté ce qui s’était réellement passé si sa conjointe de l’époque ne l’avait questionné, après avoir vu son véhicule.

Elle se demande aussi pourquoi Picard n’a pas contacté les urgences directement de chez Mme Émond, alors qu’il a plutôt choisi de revenir chez lui et se rendre au jardin. Rappelons que rien n’aurait été dissimulé dans le jardin, selon l’enquête policière.

La couronne a mis aussi l’accent sur la question de l’agression sexuelle, qui revêt son importance dans l’affaire.

Selon elle, il a bel et bien eu agression sexuelle. « La preuve confirme le contact sexuel. Vous devez vous demander si c’était consensuel », a dit Me Gaudreault. Selon elle, la raison évoquée par Picard pour expliquer sa présence chez Mme Émond ne tient pas la route, car les travaux de peinture se seraient déroulés deux ans auparavant et qu’un chèque avait déjà été fait.

L’avocate a rappelé que l’ADN de Picard avait été trouvé sur le sein de la victime et l’ADN de Mme Émond à l’intérieur du caleçon de l’accusé. Elle a souligné la présence du jeans retourné avec un soulier à l’intérieur sur la chaise de la chambre où est survenue l’agression, se questionnant s’il n’avait pas été arraché à la victime. Elle a souligné le lit défait et les égratignures sur une fesse de Picard, ainsi que les éraflures sur les genoux de Mme Émond. L’intérieur des pantalons de Picard contenait aussi du sang de la victime. La couronne se demande donc si ses jeans étaient baissés lorsque des coups ont été portés ou s’il ne portait tout simplement pas ses pantalons. « Avez-vous ici l’image d’une relation consensuelle ? », a-t-elle demandé aux jurés.

Elle a terminé en demandant à ces derniers de conclure à un meurtre au premier degré.

Défense

L’avocat représentant Picard, Me Félix-Antoine Doyon, a dit qu’il ne remettait pas en cause que l’accusé était allé sur place et qu’il avait commis un acte illégal avec un ou des objets contondants, mais qu’il fallait se poser la question s’il y avait une intention criminelle.

Selon lui, « il manque des pièces au puzzle ». Il a demandé aux jurés de ne pas se laisser emporter par leurs émotions.

Il estime que les raisons données par Picard pour expliquer pourquoi il s’est retrouvé chez Mme Émond sont plausibles. Selon lui, on ne peut pas exclure la possibilité qu’ils aient pu se voir à l’épicerie et que la dette de travaux de peinture existait. Il a indiqué que la seule preuve à cet effet était un chèque de 322 $ fait en 2015.

Me Doyon a mis en lumière le fait qu’il n’y avait pas de traces d’entrée par effraction chez la victime et que les téléphones qui auraient pu permettre d’appeler de l’aide n’ont pas été déplacés, ce qui lui laisse à penser que Picard aurait pu être effectivement invité chez Mme Émond.

Il s’est attardé sur l’état de Denis Picard après l’événement, soulignant qu’il avait pleinement collaboré avec la police et avait demandé qu’on lui passe les menottes à l’arrivée des policiers. « C’est plutôt rare que l’on voit un tel comportement », a-t-il dit.

Quant à la scène de crime, il a dit avoir des réserves sur le témoignage de la biologiste judiciaire Jacinthe Prévost, stipulant entre autres qu’elle n’avait pas parlé de la possibilité que des projections de sang aient été faites par expectoration (du sang a été trouvé dans les poumons de la victime) lors de l’interrogatoire principal et qu’elle avait dit qu’il y avait des « milliers » de gouttes de sang, ce qui est selon lui « pas objectif ».

Concernant la possible agression sexuelle, Doyon a rappelé que l’ADN de Picard n’avait pas été trouvé sur le pantalon de madame et estime qu’on ne pourrait pas exclure qu’elle se soit dévêtue elle-même, ajoutant qu’il n’y avait pas de traces de lutte visibles ou de plaies de défense, de morsures, de lésions à l’intérieur des cuisses et que les vêtements n’étaient pas déchirés, ajoutant que les lunettes de Mme Émond auraient été déposées sur la table de chevet et probablement pas lancées, puisqu’intactes. « Il y a clairement un doute raisonnable sur l’agression sexuelle », a-t-il conclu.

La juge donnera ses directives aux jurés en vue de leurs délibérations lundi. Ils seront ensuite séquestrés le temps d’en venir à un verdict.