Rien ne prédestinait Annie Francœur à une carrière en politique, même si naguère elle a possédé sa carte du Parti progressiste-conservateur. Pourtant, aujourd’hui, en plus d’être la directrice régionale du député fédéral de Montmagny–L’Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup, Bernard Généreux, elle est également l’épouse du député provincial de Côte-du-Sud, Mathieu Rivest, ce qui la place dans une situation singulière, rarement vue dans l’histoire du pays. À l’aube de ses dix ans comme employée de la Chambre des communes, Le Placoteux a rencontré une des personnes les plus en vue de la région afin d’en connaître davantage sur son parcours atypique.
Née à Rivière-du-Loup au début des années 70, Annie Francœur est l’aînée d’une famille de trois enfants, et est elle-même la mère de trois enfants, tout en étant désormais « mamie ». Son père, Pierre Francœur, une légende du hockey louperivois, a été le premier joueur à être repêché par la ligue junior A du Québec, l’ancêtre de l’actuelle Ligue de hockey junior majeure (LHJMQ). « Mon père aurait pu faire carrière dans le hockey professionnel, mais il est resté proche de ma mère en raison de mon arrivée. Je dois beaucoup à mon père! », déclare-t-elle avec les yeux brillants.
Après avoir fait son secondaire en sol louperivois, Annie Francœur, comme plusieurs jeunes de son époque, commence à étudier en Sciences humaines, sans savoir en quoi réellement elle souhaite s’orienter. Toutefois, pendant l’été suivant, elle choisit de débuter un DEC en Technique d’éducation spécialisée au Cégep de Sainte-Foy. Un imprévu viendra néanmoins complètement changer ses plans.
« Mon appartement était loué, tout semblait se dérouler comme prévu, mais je suis tombée enceinte de mon premier enfant. Ça change tout, alors que j’ai seulement 18 ans. Il faut dire par contre que j’étais bien entourée, et que ça s’est très bien passé, malgré le fait que j’ai eu quelques petites complications et que j’ai dû demeurer hospitalisée. C’est ma mère qui a gardé Naomi au début, sans que j’aie eu au préalable des contacts avec ma fille », ajoute-t-elle.
Bien qu’Annie Francœur ait aimé le rôle de mère à la maison, étant une créature très sociable, après quatre mois, elle décide de retourner sur le marché du travail. « Je suis retournée à temps partiel au Cégep de Rivière-du-Loup avec quelques cours, tout en commençant à travailler au West Coast au centre commercial du secteur. Ensuite, une opportunité s’est présentée à moi, soit de devenir la gérante de la boutique San Francisco, ce que j’ai fait pendant quatre ans, un emploi qui m’a permis d’acquérir plusieurs expériences, dont celles de la gestion du personnel et de l’atteinte des objectifs. »
Elle tient tête au gérant d’Éric Lapointe
Ayant fait le tour des boutiques de vêtements, Annie Francœur voit une autre occasion se présenter, soit celle de devenir la responsable de la billetterie au Centre culturel de Rivière-du-Loup, ce qu’elle a fait pendant huit ans, pour finalement obtenir le titre de directrice par intérim du Centre durant les deux années suivantes. « C’est en 2007 que j’ai obtenu ce poste que j’ai adoré. Je capotais littéralement sur mon emploi, puisque j’étais en contact avec les plus grands noms du show-business québécois, voire même français à l’occasion. J’ai vraiment réussi à faire ma place dans ce milieu », explique-t-elle, ce qui ne l’a toutefois pas empêchée de vivre certaines situations particulières, dont une avec le célèbre rockeur québécois Éric Lapointe, alors que Mme Francœur a dû tenir tête au gérant de ce dernier.
« Éric Lapointe était censé commencer son spectacle à 20 h, mais, à 21 h, il n’était pas encore arrivé. Nous devions à ce moment-là passer quelques messages pour fait patienter la foule, mais étonnamment, les spectateurs n’avaient pas trop l’air mécontents. Il faut préciser que c’était la première fois au Centre culturel que les gens avaient le droit de consommer de l’alcool. Éric Lapointe finit néanmoins par arriver, mais force est de constater qu’il est dans un état avancé — pour ne pas être impolie. Bref, il fait moins de 45 minutes de spectacle au lieu d’en faire 75. Puisque c’est moi qui signais les contrats, et après avoir consulté des gens d’expérience de l’industrie, j’ai décidé de ne pas totalement honorer le contrat, car lui-même n’avait pas honoré sa part de l’entente. Après avoir subi certaines pressions de la part du gérant d’Éric Lapointe, j’ai finalement tenu mon bout, et je n’ai honoré que le chèque de base, sans lui octroyer de pourcentage sur les billets vendus. Le lendemain, il a annulé sa tournée pour entrer en thérapie », raconte-t-elle, sans savoir pour autant si son geste a bel et bien joué un rôle quelconque dans la décision du populaire artiste de tenter de se soigner.
Le deuil et l’appel de Bernard Généreux
Bernard Généreux, maire de La Pocatière, siégeait alors au conseil d’administration du Camp musical Saint-Alexandre, avec Mathieu Rivest qui en était le directeur général. Ayant vu aller Annie Francœur — notamment dans les médias comme directrice par intérim du Centre culturel —, lorsqu’il est élu dans le cadre de l’élection partielle en 2009, il fait appel à ses services, même si celle-ci ne possède aucune expérience en la matière. « On venait d’afficher le poste à la direction du Centre culturel, et malheureusement, je ne l’ai pas obtenu. Je dois te dire que ça m’a fait mal, car j’avais vraiment l’impression d’être à ma place, et j’adorais ce que je faisais. Par contre, c’est à ce moment-là que j’ai compris que si quelque chose n’est pas fait pour toi, c’est qu’il y a autre chose qui s’en vient. »
Une défaite amère
Lorsqu’elle commence à travailler pour le député Généreux, Annie Francœur tombe enceinte de son troisième enfant, et accouche pendant son mandat. Lorsque les élections fédérales sont déclenchées par le premier ministre Stephen Harper, Annie est toujours en congé de maternité, mais souhaite réintégrer rapidement son poste après la réélection de son patron. Ses plans sont toutefois contrecarrés, puisque Bernard Généreux perd son titre dans un des recomptages les plus serrés de l’histoire des élections canadiennes.
« Il faut se rappeler que Bernard a été élu la veille. C’est le lendemain qu’on a appris qu’il y avait une erreur, et que là, on perdait par moins de dix voix. Ça venait complètement changer mes plans », dit-elle en se rappelant qu’elle a pleuré lorsqu’elle a su au palais de justice de Rivière-du-Loup que, finalement, c’est le NPD qui remportait la victoire.
Le retour en 2015
Sa sortie abrupte de la politique l’a ensuite amenée à œuvrer pour le Mouvement Desjardins. Premièrement comme caissière à temps partiel, et ensuite la direction lui offrit de devenir conseillère financière. Un cheminement qui la fera malheureusement sombrer dans une dépression.
« Même si je voulais fort, et qu’on croyait énergiquement en ma personne pour cette tâche, je me suis finalement rendu compte que ce n’était pas pour moi. J’ai dû arrêter de travailler pendant plusieurs mois en raison de mon état dépressif. Par contre, lorsque j’ai recommencé à travailler avec Bernard Généreux en 2015, je me suis étonnamment mise à aller beaucoup mieux », ajoute-t-elle avec le sourire.
Éviter les erreurs du passé
Sachant que le résultat des élections pouvait se jouer à quelques votes près, Annie Francœur a mis sur pied quelques idées qui ont fait le succès de Bernard Généreux, dont les nombreuses tournées où le député fédéral a fait connaître les bons coups et les artisans de tout acabit de la circonscription. « Je me suis rendu compte que dans le premier mandat en 2009, nous avions peut-être négligé l’électeur, de telle sorte que je me suis organisée pour que les gens connaissent le Bernard que je connaissais, ce qui nous a fortement aidés ensuite à remporter de bonnes majorités. Il est plus que limpide qu’avec le temps, Bernard et moi avons vraiment développé une bonne chimie. »
Bien que sa carrière politique ne soit pas encore terminée, Mme Francœur aura jusqu’à maintenant aidé plusieurs centaines, voire plus d’un millier de commettants de son comté à régler certaines problématiques en lien avec le palier fédéral. Étant également l’épouse du député provincial, Annie Francœur joue indéniablement un rôle de premier plan dans la région, autant par son influence que par sa situation. Qui sait, peut-être qu’un jour elle décidera de faire le grand saut en se présentant officiellement à des élections?
« Ce que j’ai aussi appris pendant ces nombreuses années, c’est de ne jamais fermer de portes », conclut-elle.
