L’ancien président de Bombardier Transport et de Domtar, Raymond Royer, est décédé à l’âge de 86 ans. Ce grand gestionnaire, décoré de l’Ordre national du Québec en 2005, restera dans les mémoires à La Pocatière comme celui qui a transformé une usine de motoneiges en fleuron de la construction ferroviaire.
« Pour moi, c’était le meilleur leader que j’ai rencontré dans ma vie », affirme sans détour Fernand Landry, de La Pocatière, qui a côtoyé M. Royer dès les années 1970. « Il avait cette capacité de faire embarquer tout le monde dans ses projets. C’était fantastique. »
Originaire de Sherbrooke, avocat et comptable de formation, athlète universitaire émérite, M. Royer avait rejoint Bombardier en 1974. L’entreprise lui avait confié une mission audacieuse : convertir l’usine de La Pocatière, spécialisée dans les motoneiges, pour qu’elle puisse fabriquer des voitures de métro destinées à l’extension du réseau montréalais en vue des Jeux olympiques de 1976.
« À l’époque, les usines québécoises n’étaient pas prêtes pour une telle commande, et les compétences étaient rares. Mais M. Royer n’a jamais vu ça comme un obstacle. Il nous a rassemblés pour trouver des solutions », se souvient M. Landry.
Sous la direction de M. Royer, Bombardier a mis sur pied pas moins de 29 programmes de formation spécialisés en collaboration avec Ottawa, permettant à l’usine de La Pocatière de se hisser au rang d’acteur clé dans le marché du transport ferroviaire. L’un des grands coups de cette époque demeure l’obtention d’un contrat pour les voitures du métro de New York, fabriquées en grande partie à La Pocatière.
« Il allait sur le plancher, parlait aux employés, résolvait les problèmes directement. Il ne criait pas qu’il était patron, mais tout le monde le respectait profondément », raconte encore M. Landry. Même lors des matchs de hockey entre collègues, peu savaient que le nouveau coéquipier au tempérament discret était en fait le directeur général.
Après onze ans à la tête de la division transport de Bombardier, M. Royer a été promu président et chef de l’exploitation en 1986. Dix ans plus tard, il quittait l’entreprise en laissant derrière lui une division florissante, bien ancrée dans l’économie québécoise.
Il poursuivit ensuite sa carrière chez Domtar, alors en difficulté. Fidèle à sa méthode, il misa sur la formation, la qualité, et la mobilisation des équipes. En moins de cinq ans, il propulsa la papetière québécoise du bas de l’échelle nord-américaine à la deuxième place du continent, sans recourir à une seule mise à pied. Dix ans après son arrivée, il orchestre la fusion avec la compagnie états-unienne Weyerhaeuser, créant ainsi le plus grand producteur de papier fin du continent.
Homme de l’ombre
La réussite de M. Royer repose sur une philosophie de gestion participative et rigoureuse. Il a su conjuguer les intérêts des clients, des employés et des actionnaires. « Même en pleine négociation, il demeurait digne, humble et d’une écoute remarquable. C’était un bâtisseur qui ne cherchait pas la lumière, mais les résultats », dit M. Landry.
Pour Fernand Landry, son passage demeurera un tournant de l’histoire industrielle locale de La Pocatière. « Sans lui, il est bien possible que l’usine ne soit jamais devenue ce qu’elle est aujourd’hui. C’est un pan entier de notre développement qu’on lui doit », conclut M. Landry.