Depuis plusieurs mois, les Pocatois tentent de convaincre les autorités gouvernementales et universitaires d’installer le nouveau pavillon de médecine vétérinaire à La Pocatière plutôt qu’à Rimouski.
Sans vouloir prendre part au débat, il est tout de même amusant de se rappeler que c’est précisément dans cette municipalité du Bas-Saint-Laurent que les tout premiers cours d’« art vétérinaire » ont été offerts au Québec, il y a 159 ans !
En effet, c’est en 1863 à l’École d’agriculture de La Pocatière, fondée quatre ans auparavant, que le docteur Ludger Têtu commence à donner pro bono, à raison de deux à trois séances hebdomadaires, des cours sur l’art vétérinaire, aussi appelé zootechnie.
Ce cours de deux ans est suivi par une dizaine d’élèves. On y traite des chevaux, de leurs races et de leur anatomie. Le Dr Têtu décrit même certaines maladies comme le cornage, les maladies du sabot, la gourme, les vers, le mal du cheval, et divers traitements telles la saignée ou les éponges. Il aborde également le sujet des bovins, de leurs diverses races, de leurs maladies et de leur analogie avec le cheval. Il consacre enfin quelques cours aux ovins et aux porcins. Il enseigne ainsi de 1863 à 1879, année de son décès.
Comme le Dr Têtu n’était pas vétérinaire, et que l’objectif de ce cours ne consistait pas à former des médecins vétérinaires, la profession a quelque peu oublié cet épisode tout de même significatif d’une volonté d’instruire les éleveurs et les agriculteurs du Québec. Officiellement, le véritable début de l’enseignement de la médecine vétérinaire au Québec s’amorcera en 1866 avec l’ouverture du Montreal Veterinary School,sous la direction de l’Écossais, le Dr Duncan McEachran.
Il ne fait aucun doute que ce cours, bien que donné à temps partiel et avec des moyens réduits, représente une étape importante de notre histoire. D’ailleurs, le gouvernement, reconnaissant les mérites du Dr Têtu, le recommande en 1876 comme membre du jury du Montreal Veterinary College !
Pour en connaître davantage sur la vie du Dr Ludger Têtu, sachez qu’il est le dernier de 18 enfants, né le 10 novembre 1821 à Saint-Thomas de Montmagny. Après des études au Québec et à Paris, il s’installe à Rivière-Ouelle en 1845. Il jouit alors d’une excellente renommée fondée sur une carrière exemplaire de praticien, et sur son implication dans la profession comme membre du collège des médecins du Bas-Canada, où il sera l’un des directeurs de 1850 jusqu’à sa mort. Il sera également maire de Rivière-Ouelle de 1862 à 1864.
Fils d’agriculteur, et lui-même propriétaire d’une grande terre qu’il cultive, il s’intéresse aux soins des animaux, et devient juge de races lors d’expositions à Sherbrooke et à Montréal. Ceci explique sans doute sa volonté de partager ses connaissances sur les animaux à l’École d’agriculture de La Pocatière.
Finalement, même si la faculté de médecine vétérinaire n’installe pas son nouveau campus à La Pocatière, la ville pourra quand même s’enorgueillir d’avoir été la première à y enseigner l’art vétérinaire au Québec !
Michel Pepin DMV, Société de conservation du patrimoine vétérinaire québécois et auteur d’Histoire et petites histoires des vétérinaires du Québec