Christine St-Pierre en quête « d’utilité »

Christine St-Pierre. Photo : Maxime Paradis

Christine St-Pierre a longtemps été habituée à plus d’effervescence. Journaliste et correspondante pour Radio-Canada durant plus de 30 ans, l’Aulnoise d’origine a fait le saut en politique en 2007, où elle a été successivement ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine sous Jean Charest, et ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie sous Philippe Couillard. Depuis qu’elle a terminé son mandat de députée d’Acadie, les rencontres sont moins nombreuses, le téléphone ne sonne plus; un vide s’est installé.

Le Café Bonté Divine de La Pocatière est relativement tranquille ce matin-là. Avant de s’attabler, l’ancienne députée et ministre a gagné l’arrière du café dans l’anonymat presque complet. La serveuse se présente, et Christine St-Pierre commande un cappuccino sur un ton à la fois poli et familier, comme si elle était une habituée. La serveuse sourit, la « cliente de marque » inattendue a bien saisi l’esprit bon-enfant de l’endroit.

Affable, Christine St-Pierre s’intéresse et questionne; l’ancienne journaliste n’a pas perdu ses réflexes. Une fois les cafés servis, elle va droit au but : « Je ne m’attendais pas à ce qu’il se passe quelque chose comme un vide. Je suis surprise de son ampleur sur moi. »

En mars 2022, l’ancienne députée d’Acadie a annoncé qu’elle ne solliciterait pas de sixième mandat. Après 15 années de politique, elle devait passer à autre chose. « Je ne regrette pas », dit-elle. Mais Christine St-Pierre l’avoue bien humblement, elle croyait que sa vie postpolitique serait beaucoup plus animée. « Ce n’est pas un sentiment de dépression, mais d’inutilité. T’as l’impression que tu ne contribues plus à la société, alors que t’as encore l’énergie pour le faire. » Elle a pourtant lancé quelques lignes à l’eau, mais toutes n’ont pas mordu.

« J’écris pour le magazine L’Actualité », poursuit-elle fièrement. Cette collaboration entamée en janvier dernier permet à Christine St-Pierre de renouer avec une forme de journalisme. Ses chroniques bimensuelles posent un regard sur les enjeux politiques et sociaux du moment, à travers le prisme de son expérience personnelle comme députée et ministre libérale. « Si j’avais d’autres occasions d’être chroniqueuse, j’adorerais ça. »

Ce passage en politique, qui n’est pas passé comme une lettre à la poste auprès de ses anciens collègues journalistes, à l’époque — « ils n’ont pas été très gentils avec moi [rires] » —, lui apporte aujourd’hui une compréhension différente de ce milieu mal-aimé. « J’ai toujours dit que j’aurais été une meilleure journaliste si j’avais été politicienne en premier, mais le chemin inverse ne se fait pas. »

Renouer avec ses racines

La retraite de Christine Ste-Pierre, s’il en est une, a l’avantage de lui offrir le temps de reconnecter à ses racines. Récemment, elle terminait la lecture de L’année des Anglais de l’historien Gaston Deschênes de Saint-Jean-Port-Joli, qui raconte entre autres comment ses ancêtres St-Pierre de Saint-Roch-des-Aulnaies ont tenté de résister à l’invasion britannique à l’heure de la Conquête. Occasionnellement, elle collabore à l’émission En toute liberté de l’animateur Richard Bossinotte à la radio CHOX 97,5 de La Pocatière, des échanges qu’elle avoue toujours apprécier.

« Mes racines ne me quitteront jamais », affirme-t-elle, et cela, même si le décès de plusieurs de ses proches, dont ses parents, fait que les attaches en Côte-du-Sud sont aujourd’hui plus amicales que familiales. De bonnes amies conservées du temps qu’elle étudiait au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière l’accueillent toujours lorsqu’elle est de passage dans la région. Et au cours des cinq prochaines années, Christine St-Pierre compte bien multiplier les aller-retour vers sa terre natale, elle qui a accepté la présidence de la campagne majeure de financement de l’institution où elle a fait ses études secondaires.

« Un des volets de cette campagne qui me rejoint le plus est le volet patrimonial. Comme ancienne ministre de la Culture, penser que le Collège pourrait ne plus être là dans le paysage est impensable. La cicatrice serait épouvantable, et pas juste pour ceux qui y ont étudié. » Quand on lui fait remarquer que l’architecture de l’école a une prestance qui s’apparente à celle du Parlement de Québec, l’ancienne élève et politicienne acquiesce. Difficile aussi de ne pas voir dans cette ressemblance une forme de boucle : le point de départ d’une quête professionnelle qui mènera finalement Christine St-Pierre jusqu’à l’Assemblée nationale, là où elle était destinée à atterrir.

Mais là ne s’arrête pas son récit. Christine St-Pierre entre simplement dans une nouvelle étape de sa vie qui demande de l’ajustement. « On s’attend à ce qu’on [les baby-boomers] quitte la population active, en quelque sorte. Mais dans une bonne équipe, ça prend aussi des cheveux gris », philosophe-t-elle. Mentorat, bénévolat, entraînement physique, Christine St-Pierre, toujours « en pleine forme », n’a pas l’intention de cesser de contribuer à la société. Comme dans tout topo journalistique, la caméra s’éteint seulement lorsque la journaliste a choisi de prononcer ses derniers mots.