Le 24 février en soirée avait lieu à La Pocatière une conférence, suivie d’un bref tour de chant, par la chanteuse Florence K. Cet événement avait lieu dans le cadre d’une journée célébrant le 30e anniversaire d’existence de La Traversée, organisme communautaire sans but lucratif offrant des services de soutien aux personnes adultes souffrant de problèmes de santé mentale, et ce sous diverses formes, allant d’activités de groupe à des accompagnements individuels personnalisés, notamment de la pair-aidance.
Florence K est certes connue comme pianiste, auteure et interprète en diverses langues, mais plus récemment pour sa facilité à vulgariser tout ce qui a trait à la santé mentale. Elle donne notamment de courtes capsules sur divers sujets connexes le dimanche matin à Radio-Canada Première, entre 19 h 15 et 19 h 45.
Sa conférence se voulait un témoignage de son expérience de problèmes de santé mentale, dans une perspective de déstigmatisation des problèmes de cet ordre. Elle a montré comment son enfance montrait des signes annonciateurs de ses problèmes futurs : notamment l’impulsivité dans son jeune âge, puis l’anxiété à l’adolescence. Anxiété qu’elle décrit comme tournée vers l’avenir, alors qu’elle décrit la dépression comme tournée vers le passé, mais qu’en fin de compte elles sont souvent les deux faces d’une même réalité.
Elle a raconté d’abord les difficultés vécues avec ses proches qui lui disaient qu’elle avait des symptômes ou de la dépression, alors qu’elle le niait, ou encore comment il a été difficile aux proches de l’amener à l’urgence, y compris une fois en recourant au 911. Comment aussi de telles situations avaient envenimé provisoirement la relation avec ses proches, notamment ses parents, pour finalement les remercier d’avoir agi ainsi.
Elle a décrit aussi les difficultés avec le système de santé, les renvois trop rapides à la maison alors qu’elle n’était pas bien. Elle a montré aussi comment elle refusait de voir sa réalité. Par exemple, à l’urgence, elle voyait les autres patients avec des maladies physiques. Comme elle ne se considérait pas malade, elle avait l’impression de voler le lit de quelqu’un vraiment malade. Puis, elle raconte comment elle a déjoué la vigilance du médecin en se décrivant faussement améliorée, ce qui amenait un congé prématuré, puis un retour rapproché à l’urgence.
Elle a décrit son hostilité initiale envers les psychiatres, laquelle s’est transformée en sentiment positif par la suite. Elle a bien illustré, sans la nommer comme telle, l’effet de la pair-aidance, en décrivant l’impact positif qu’avaient eu sur elle les échanges avec les autres patients, dont certains vivaient la même chose, ce qui fait qu’elle ne se sentait plus seule au monde. Aussi l’effet de la bienveillance d’un préposé. Elle n’a pas parlé des infirmières, ce qui m’a fait penser à la thèse doctorale du sociologue Alain Vinet, qui a montré comment les infirmières sont souvent monopolisées par les écritures.
En somme, son propos a montré comment le cheminement vers la santé peut être complexe et long, mais qu’il est possible, et comment apprendre d’un premier épisode de problème de santé mentale. Ce qui a été mentionné n’est qu’un relevé très personnel de la conférence de Florence K qui a su ensuite compléter sa prestation par un court et enlevant tour de chant.
Hubert Wallot, psychiatre, Centre hospitalier régional du Grand-Portage