Flamboyant, prodigieux, déchaîné. À temps, la dernière création du Cirque de la Pointe-Sèche, a dévoilé ses couleurs au public lors de sa grande première présentée le 6 juillet en soirée dans son amphithéâtre de Saint-Germain-de-Kamouraska. Paillettes, velours et satin ont brillé de mille feux, au même titre que les acrobates qui revêtaient ces habits scintillants, dans une mise en scène d’une opulence assumée signée Mélissa Colello.
Plus d’une paire d’yeux n’aurait pas été de trop pour admirer l’ensemble du spectacle À temps, la troisième offrande du Cirque de la Pointe-Sèche depuis 2019.
Une fraction de seconde de distraction suffisait à nous faire perdre le fil de cette fresque dynamique, où l’ensemble des acrobates, tous dans une forme physique herculéenne, se déployaient à gauche et à droite dans l’amphithéâtre naturel de Saint-Germain-de-Kamouraska avec une énergie à essouffler n’importe quel marathonien d’expérience.
Tantôt en solo, souvent dans une synchronicité presque sans faille, les acrobates — pour ne pas dire ces athlètes! — ont mis les principales disciplines des arts du cirque au service d’une histoire colorée, un brin bordélique, mais au propos certainement intemporel.
Qui n’a pas cherché, à un moment ou un autre, à se camoufler derrière de beaux habits afin d’exister dans le regard d’autrui? La fête, qui sert souvent de prétexte à nous exhiber dans nos plus beaux atours, a aussi cette capacité à dévoiler notre vrai visage en nous mettant à nu, au sens propre comme figuré, au fil du dénouement de la soirée.
À temps, avec ses décors et ses costumes qui rappellent cette époque des cabarets des années folles, transpose cette réalité encore vraie 100 ans plus tard, à travers ses numéros de voltige, de trampoline, de balançoire russe, de roue allemande, de trapèze et de sangles aériennes, pour ne nommer que ceux-là.
La représentation, qui fait succéder des épisodes de quiétude solitaire et mélancolique en opposition à ceux où une certaine urgence de vivre contagieuse au contact des autres transparaît, trouve écho dans cette époque postpandémique, où la vie semble plus que jamais sur l’accélérateur après deux longues années de restrictions et d’interdictions.
Promesses respectées
À l’annonce de ce nouveau spectacle en mai dernier, le fondateur du Cirque de la Pointe-Sèche Élyme Gilbert annonçait un univers différent, avec des disciplines encore jamais vues.
Même en n’ayant pas assisté aux deux spectacles précédents, il est facile de déduire que l’univers n’a rien à voir avec Naval ou Charcoal, mais il nous est impossible de confirmer si la promesse a été respectée au chapitre des arts du cirque. Des commentaires entendus par des spectateurs ayant assisté aux spectacles passés et à celui de cette année laissent toutefois croire que l’objectif de « réinvention » a été atteint.
L’autre élément qui tient promesse est la capacité du Cirque de la Pointe-Sèche à mettre en valeur cet amphithéâtre naturel en bordure de la route 132 à Saint-Germain-de-Kamouraska, dont personne ne soupçonnait, il y a encore cinq ans de cela, le potentiel pour y tenir ce genre de spectacle.
Autant le Cirque sait s’amuser des contraintes imposées par cette paroi rocheuse en les intégrant dans ses récits, autant les aménagements réalisés entre le stationnement et l’amphithéâtre, qui permettent une première immersion dans l’univers du spectacle, sont d’une redoutable efficacité pour faire oublier aux spectateurs qu’ils tournent en fait le dos au Saint-Laurent, malgré son odeur agréable qui nous monte aux narines.
Si Naval en 2019 a permis de découvrir le Cirque de la Pointe-Sèche, Charcoal en 2022 s’est chargé de l’imposer comme un incontournable de l’été au Kamouraska. Avec À temps, le Cirque a maintenant tout ce qu’il faut pour atteindre une consécration qui va bien au-delà des frontières.