Les idées les plus simples sont parfois celles par lesquelles naissent les plus beaux échanges. Dominique Dupéré, éducatrice spécialisée au Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) du Bas-Saint-Laurent, en sait quelque chose. Depuis le début de l’année, elle confectionne des bulles de bain avec ses usagers, une activité toute simple qui lui a permis d’entrer dans leur bulle comme jamais et de solidifier des partenariats déjà bien établis dans le milieu.
Dominique a eu l’idée de partager cette réussite qu’elle vit avec la dizaine d’usagers sous sa supervision, en cette 26e édition de la Semaine québécoise des personnes handicapées. La plupart sont atteints d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble du spectre de l’autisme. Certains ont même ce que les éducateurs qualifient de TGC, un trouble grave de comportement.
« Créer des liens individuellement avec eux, en dehors du groupe, n’est pas toujours évident. Certains sont dans les activités très routinières, d’autres sont non verbaux, parfois ils ne sont pas réceptifs du tout. Ça demande une adaptation constante », explique l’éducatrice.
Malgré cela, une collègue à elle a réussi dans le passé à mettre en place une activité cuisine. Les usagers adoraient mettre la main à la pâte, dit-elle, mais la pandémie est malheureusement venue mettre un terme à l’initiative. Des bulles de bain offert par sa sœur à Noël ont donné l’idée à Dominique de ressusciter quelques pratiques de cette activité en en confectionnant avec ses usagers.
« J’ai décortiqué toutes les étapes et les produits utilisés pour m’apercevoir, finalement, que c’était une forme de recette à reproduire. J’avais sous la main tout ce qu’il fallait, alors j’ai fait quelques tests à la maison et j’ai mis au point une recette qui était simple à faire avec les usagers. J’ai ensuite essayé ça avec eux et ils ont adoré », résume-t-elle.
De six bulles de bain confectionnées à partir de moules à muffin ou à glace, les usagers de Dominique Dupéré en ont depuis fait une centaine qui ont trouvé preneurs, permettant au groupe de faire un profit net de 200 $. Cet argent doit servir à financer des activités, comme une sortie prochaine à La Crème Rit, voisine du CRDITED à Rivière-Ouelle, ou l’achat d’un panier de basketball.
Au passage, le projet a même permis de consolider des partenariats déjà existants entre l’organisation et des entreprises du milieu. Total Fabrication de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, fabricant des produits PURE, accueillait déjà un plateau de travail d’usagers du CRDITED. Un coup de fil de Dominique et il a accepté de fournir son groupe en produits pour la confection des bulles de bain. Même chose pour le Fleuriste Le Bel Arôme de La Pocatière, qui accueille également un plateau de travail, qui accepte de vendre les bulles à son comptoir.
« C’est des entreprises qui d’emblée comprennent bien que les personnes qui vivent avec une différence ont elles aussi besoin d’être valorisées dans leur travail. Leur collaboration à notre projet démontre une fois plus leur belle ouverture d’esprit », a déclaré Dominique Dupéré.
Entrer dans la « bulle »
L’éducatrice spécialisée est d’autant plus fière aujourd’hui de l’impact de ce projet sur la vie des usagers qu’elle s’aperçoit elle-même des bienfaits de l’activité dans les relations qu’elle entretient avec eux. Une histoire particulièrement touchante avec un usager non verbal permet d’ailleurs de bien comprendre pourquoi le projet a pris le nom de « bulle », au-delà du produit qui en ressort.
« Cet usager, j’avais beaucoup de difficulté à entrer dans sa “bulle”. Quand on a commencé à faire les bulles de bain, je me demandais ce que j’allais lui faire faire. Un jour, je me suis assis à côté de lui et j’ai commencé à plier les boîtes dans lesquels on met les bulles. Au début, il tapait sur la table et il n’était pas réceptif. Mais à force de me voir plier, il a fini par arrêter, prendre une feuille et commencer à plier à son tour. Depuis, on plie ensemble. »
D’autres histoires de ce type témoignent de cette relation privilégiée que l’éducatrice a pu développer avec ses usagers par le biais de ce projet. Le tout a même été immortalisé par la lentille de la photographe Audrey Mainguy de Saint-André-de-Kamouraska, le 31 mai dernier. « C’est une activité qui leur donne de la motivation, de la confiance en soi et de la fierté. Ça n’a pas de prix dans la vie de nos usagers. »